Envers et contre tout
Le collectif Berlin livre le portrait poignant d’un couple d’octogénaires continuant de vivre à Zvizdal, non loin de Tchernobyl, malgré la catastrophe.
On les a bien appelés en 1986, après l’emballement du cœur atomique du réacteur numéro 4 de la centrale soviétique de Tchernobyl, pour leur expliquer ce qui venait de se passer. L’État est venu mesurer le taux d’irradiation, des maisons ont été bâties pour les reloger, loin de là. Pétro et Nadia ont regardé le village qui les a vus naître se vider. Pas question pour eux de partir. De part et d’autre d’un immense écran, le public observe le documentaire patiemment tourné en Ukraine par le collectif Berlin. S’y dévoile le quotidien solitaire du couple, ployant sous le poids des années, entouré de ses quelques bêtes, toutes aussi claudiquantes, à 20 km de marche du premier magasin. « Les gens qui ont quitté notre village de Zvizdal sont tous morts », rappelle le vieil homme avec son entêtement de terrien. « Si tu es accoutumé à la vie quelque part, il faut y rester. » Et sa baba de renchérir : « Le plus bel endroit du monde, c’est la maison qui est la tienne », lançant aux documentaristes, qu’ils tolérèrent sans toutefois leur permettre de franchir le pas de leur porte, « qu’est-ce qui n’irait pas ici ? » Dans une contemplation qui finira inévitablement par devenir morbide, nous les observons dans leur vie avec l’inodore et incolore mal propagé par l’atome, au milieu d’une nature pourtant luxuriante, si belle, recouverte de son linceul neigeux et silencieux.
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