Zentrum Paul Klee : les Mondes assemblés d’Hannah Höch

Hannah Höch, Chouette avec loupe / Eule mit Lupe, 1945, collection privée

Avec Mondes assemblés, le Zentrum Paul Klee montre les photomontages d’Hannah Höch, pionnière qui arpenta les avant-gardes.

Daté de 1915, un des premiers collages d’Hannah Höch (1889-1978), Le Nuage blanc, a été réalisé à partir d’une gravure sur bois colorée, découpée au ciseau, dont les fragments ont été recomposés pour former une abstraction à l’allure étrange et vaguement inquiétante. Ce n’est qu’à partir de la fin de la Première Guerre mondiale qu’elle utilise journaux et magazines comme matière première pour une critique sociale et politique acerbe. Membre du Groupe de Novembre, où se croisent expressionnistes, cubistes, futuristes et constructivistes – sous la houlette de Max Pechstein et César Klein –, et seule femme dans le cercle des dadaïstes berlinois (elle est ainsi percussionniste dans l’Antisymphonie donnée par Jefim Golyscheff en 1919), l’artiste ne cesse d’expérimenter. Elle crée ainsi des photomontages consistant presque en de véritables “films sur papier” réalisés à partir de débris de la culture de masse : clichés parus dans la presse, etc. Au sein de l’exposition, la confrontation avec des courts-métrages avant-gardistes, signés László Moholy-Nagy (Jeu de lumière noir-blanc-gris, 1930) ou Hans Richter (Inflation, 1928), l’illustre avec éclat.

Au centre du propos, se trouve la dénonciation du machisme de l’époque : Le Père (1920), par exemple, questionne avec un humour caustique l’émancipation des femmes et les assignations des fonctions masculines et féminines dans la société, de même que la série aux séductions esthétiques puissantes intitulée D’un musée ethnographique développée de 1924 à 1930. Ainsi Avec Casquette (1924), assemblage de deux visages, est-il autant une réflexion sur la potentielle hybridité du genre que sur les “gueules cassées” d’après 1918, à l’image des toiles d’Otto Dix, tout comme les géniales déformations des traits du Mélancolique (1925) ou d’Enfants (1925). Le voisinage avec L’Écho d’Athènes (1913) de Braque, des œuvres de Kurt Schwitters ou de multiples photomontages signés John Heartfield, maître du genre, montre l’importance majeure d’Hannah Höch au XXe siècle. Après 1945, elle se tourne vers un surréalisme dans lequel la nature est au centre du propos, s’inspirant de son jardin, refuge où elle avait passé la guerre dans une douloureuse “émigration intérieure”, son œuvre ayant été jugée dégénérée par le IIIe Reich. Loin de la politique, séduisent les efflorescences de Vivace (1955) ou le Beau matériau de pêche (1946) dont la proximité avec les toiles de Max Ernst ici accrochées est parlante. Le visiteur est aussi épaté par Duo tendu (1964), avec ses deux chatons mignons, ou par Ce n’est pas une œuvre d’art, orgie féline non datée, deux compostions aux accents ironiques anticipant le déferlement d’une imagerie similaire sur le Net et brocardant gentiment notre affection débordante pour nos animaux domestiques.


Au Zentrum Paul Klee (Berne) du 10 novembre au 25 février 2024
zpk.org

> Visites guidées en français (17/12/23 & 04/02/24, 15h)

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