Le pianiste Roberto Fonseca signe Yesun, neuvième album aux associations surprenantes. Entre jazz, classique et rap, il n’y a qu’un doigté.
Originaire de La Havane, Roberto Fonseca est une figure de proue de la musique cubaine contemporaine.
Avec le récent Yesun, le jazzman signe un nouveau clin d’œil à ses racines afro-américaines après Yo (2012), disque solo qui le révèla. Métissée, sa musique l’est tout autant qu’à ses débuts au mythique Buena Vista Social Club. Cocktail envoutant, tantôt moderne, tantôt traditionnel, à l’image d’une cité cosmopolite, il s’est entouré, pour ce disque, du batteur Raúl Herrera et du contrebassiste Yandy MartÍnez Rodriguez, ami de toujours. Ses guests ? Le trompettiste Ibrahim Maalouf, la rappeuse Danay Suárez ou encore le chœur GEMA4. Ils nous emportent dans un univers multifocal passant de l’énergie du rap et du mambo made in Cuba, aux cuivres jazzy du Moyen-Orient. Sortir des sentiers battus permet au pianiste d’associer le classique de Por Ti, pièce de composition s’inspirant de Mozart, Chopin ou encore Scriabine, au rock progressif de l’intro de Cadenas. Mambo pa la ni a offre pour sa part une pause endiablée, alimentée par l’électronique qui sur- prend avec des phases psychédéliques inattendues. Quant à Vivo, il donne la parole au saxophone de Joe Lovano dans un duo que l’on croirait improvisé tant il sonne furtif, sincère et spontané.
Si l’opus est le fruit de collaborations nous projetant dans un Cuba sans frontières musicales, Ocha est une bulle pour Roberto Fonseca. Sans artifice, le titre est une vitrine de sa technicité. Le funk de la basse rythmant la mélodie est déstructuré par la virtuosité du pianiste qui s’exprime avec ses émotions. Si la mélodie est mélancolique et dégage une certaine ferveur, elle apporte une touche acidulée aux côtés des chaleureux AGGUA, appel à danser le mambo et fêter sur un air de reggaetown, et Llamada, sublimé par les voix du chœur GEMA4. Mise à l’honneur, la jeune génération est invitée à pro ter de la vie, sous la bienveillance des traditions. Le clip d’AGGUA invoque la figure de Lemanja, divinité africaine aquatique symbole de la mère, pour veiller sur des enfants à travers la pluie – et sur les musiciens dans la sueur de leurs efforts. En conviant Danay Suárez sur Cadenas, l’artiste offre à l’album une touche authentique clamant l’épanouissement. Le duo conseille la jeunesse de nourrir son âme, tout en veillant à porter fièrement ses racines. « De Cuba yo soy », martèle-t-il dans Kachuche. Roberto Fonseca s’amuse, puise dans ses tournées et influences pour concocter ses titres et nous dresser son pays. « Y’a de la rumba dans l’air », chantait Souchon. Pour sa part, le jazzman, la pianote. Lorsque intervient Motown, avec l’intrusion d’un synthé electro, qui nous plonge, le temps d’un instant irréel dans les seventies, face à un space rock à la Bowie.
Au Moods (Zurich),
mardi 20 octobre
Au Tollhaus (Karlsruhe), mercredi 21 octobre
À l’Espace Vélodrome (Plan-les-Ouates), jeudi 12 novembre
Au Beeflat (Berne), dimanche 29 novembre
Au Kunstmuseum (Bâle), mercredi 30 juin 2021, dans le cadre du Jazzfestival Basel
robertofonseca.com