Bande à part

Comédien physique à l’humour dévastateur, Xavier Boulanger est artiste associé aux Taps avec Blanche Giraud-Beauregardt[1. Lire son portrait ici, paru dans Poly n°142]. Depuis 2012, ils programment les Actuelles, temps forts dévolus à l’écriture dramatique d’aujourd’hui. Portrait d’un géant.

Gueule de Garçons Bouchers. Carrure de déménageur. Xavier Boulanger ne passe pas inaperçu. Un physique qui le cantonna longtemps aux rôles de « salopards, de gardes du corps et de truands ». Seulement quelques téléfilms à son actif et 636 représentations de Mowgli l’enfant loup sur les planches quand Jean-Luc Godard lui propose For Ever Mozart, en 1995. Coup de fil nocturne et éclat de rire. Entré dans ce métier par hasard grâce à l’aplomb de sa mère, il croit à une blague. 1988 : percussionniste à l’Orchestre et l’Opéra, le TJP cherche désespérément à le joindre pour une création de théâtre musical autour de Kipling. Finalement, l’appel arrive jusqu’à la demeure familiale où sa mère affirme qu’il est partant, sans même le consulter. Il sera Baloo jusqu’en 1992. Sa voix chaude et profonde lui ouvre alors les portes d’Arte. Formation sur le tas. À 30 ans, il est déjà trop vieux pour les écoles dramatiques. Il court les stages. Fais confiance à l’astre qui habite ses yeux et lui a toujours porté chance. Hélène Schwaller[2. Comédienne formée à l’École du Théâtre national de Strasbourg (groupe 23, promotion 1987) qui fit partie de la troupe permanente du TNS de 2002 à 2005] donne son nom à Jean-Louis Hourdin pour la remplacer dans À l’aventure. Chaque soir, le chef de troupe lui livre sa lumineuse incantation : « Soyez joyeusement désespérés sous les étoiles. » Il y rencontre Laurent Fréchuret avec lequel les collaborations artistiques seront fécondes. Pasolini, Shakespeare, Carroll, Euripide. Pierre Diependaële prendra le relai, avec « cette intelligence pas intello d’essayer de résoudre les énigmes du texte au plateau, de fabriquer le théâtre avec des objets du quotidien ».

Se dévoile un acteur amoureux des grands auteurs, souvent anglais : Malcolm Lowry, William Shakespeare, Martin Crimp ou encore Joël Pommerat dont il admire « l’économie de mots ». Pas question de se vendre pour un rôle. Celui qui a récemment joué un Grand maître des éducateurs autoritaire attiré par les jeunes garçons (Ce qui évolue, ce qui demeure d’Howard Barker[3. Mis en scène par Fanny Mentré au TNS, lire notre entretien dans Poly n°142]) ou un fils attardé ne pipant mot trimballé par son père vieillissant (La Petite trilogie Keene[4. Créé par Laurent Crovella au Théâtre de Haguenau, voir Poly n°156]) garde une grande distance. « Tout est faux au théâtre. Sauf la relation qui se crée entre un auteur, des comédiens et un public. » La seule qui compte. Un recul puisé dans son éducation très « catho de gauche » sur les collines houillères de Moselle, lui mettant du plomb dans les rêves. Il a été mineur, poseur de voies ferrées à 800 mètres sous le sol puis de pierres tombales de l’autre côté de la frontière. De quoi « croire d’avantage à l’imaginaire qu’au pastiche de la réalité ». Et de citer Brecht. « Rien n’est plus futile que le théâtre, c’est pour ça qu’il est nécessaire. »

Candide ou l’optimisme, création de Pierre Diependaële au Théâtre du Marché aux Grains de Bouxwiller, au Taps Scala du 12 au 17 novembre // 03 88 34 10 36 – www.taps.strasbourg.eu

Actuelles XVI, soirées dédiées aux écritures d’aujourd’hui, au Taps Gare-Laiterie, du 18 au 22 mars
03 88 34 10 36 – www.taps.strasbourg.eu

Carte blanche aux artistes associés du Taps, du 3 au 6 juin
03 88 34 10 36 – www.taps.strasbourg.eu

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