Wroclaw vue par des artistes, anciens étudiants de l’École des Arts décoratifs
Younes Baba-Ali, Vincent Bernat et Arnaud Tanguy, anciens étudiants de l’École des Arts décoratifs de Strasbourg sont partis en résidence à Wroclaw (Pologne) dans le cadre d’échanges artistiques entre la région Alsace et la Basse-Silésie. Le fruit de leurs expériences est présenté à l’Esad.
Ils ont entre 23 et 29 ans et sont partis deux à trois mois dans un pays étranger appartenant à cette Europe centrale méconnue, aux avancées aussi rapides qu’aux stigmates persistants hérités de l’histoire contemporaine. Vincent Bernat[1. www.vincentbernat.com] ne s’inscrit pas dans la case “artiste contemporain” multipliant les expos et les résidences. Ce touche-à-tout s’est toujours promis de ne pas se cantonner à un médium. « Du coup, cette résidence en Pologne constituait une véritable expérience pour moi, une opportunité géniale en sortant d’une école. » Il connaissait déjà la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie. Pour Wroclaw, il a réussi à embarquer quatre amis, membres du collectif international IPP4 Films[2. www.ipp4films.net], pour l’assister. Deux mois de résidence où il s’est beaucoup baladé à vélo pour trouver des lieux originaux : un immense toit de cheminée d’usine, un vieux studio d’enregistrement… Autant de prétextes pour rencontrer des gens comme ceux d’une des premières radios engagées autour de Solidarnosc. Son projet était assez utopique : créer un film interactif, changeant en fonction du nombre de spectateurs et de leurs mouvements. Capsule 1.0, film pour quatre spectateurs, est composée de séquences de 20 secondes déclenchées à chaque déplacement des spectateurs d’une place à une autre mais aussi dans la pièce. « Une remise en cause de l’attitude passive du spectateur devant une vidéo où un film », explique-t-il.
Grandes et petites misères…
Si Vincent Bernat loue l’engagement et le volontarisme des bénévoles du Wro Art Center où nos trois artistes étaient accueillis, l’expérience polonaise de Younes Baba-Ali[3. www.younesbabaali.com] a été sensiblement différente. Contrairement à Vincent, il n’a pu présenter son travail pendant la Biennale Art et Media de Wroclaw 09[4. http://wro09.wrocenter.pl], les responsables voulant des modifications qui auraient totalement dénaturées son œuvre. Un épilogue qui conclut un séjour polonais compliqué pour l’artiste d’origine marocaine : pas d’espace de travail, aucun soutien logistique… Du coup, il a passé près d’un mois sur trois à Berlin, pour respirer. L’œuvre créée à Wroclaw, Horn Orchestra reflète ce qu’il y a vécu. Un « travail oppressif » dans lequel dix klaxons chinés dans des casses sont régis par un programme de lecture aléatoire, lui-même actionné par les déplacements des spectateurs. Autant dire que ces klaxons hurlant dans un espace clos sont insupportables. « Le son agit comme un frein physique sur le spectateur. L’approche du visiteur m’intéresse, d’autant que personne ne l’a vu en Pologne. Comment va-t-il rentrer dans l’œuvre ? J’aimerai qu’il prenne le risque d’y aller, que sa curiosité le pousse et pas qu’il entre dans ma pièce comme il entre chez le boulanger. » Cette résidence plutôt rude a beaucoup apporté à Younes. « Je me suis recentré sur les installations alors que j’étais parti pour réapprendre à peindre et à dessiner. Même humainement, cela m’a poussé à chercher à comprendre les raisons du rejet de l’étranger dans ce pays. À me pencher sur l’histoire de la Pologne et à comprendre ce qui les a conduit là. »
… et belles découvertes
De son côté, Arnaud Tanguy[5. arno.tanguy@gmail.com] connaissait la Pologne comme touriste. Mais en 11 ans, la rapidité et la nature des changements opérés dans le pays l’ont beaucoup surpris. À l’image du Wro Art Center, « qui fonctionne plus comme un gigantesque atelier que comme un centre d’art à la française. Il est constitué autour d’un noyau dur de personnes qui y passent tout leur temps. Il a donc été confortable pour moi d’y travailler car ils n’étaient jamais effrayés par mes propositions. » Et d’admettre : « Ça reste un pays complexe auquel je suis loin d’avoir tout pigé. » Arnaud a réalisé une performance à la fin de sa résidence. Un tour en voiture d’un convoi de six véhicules avec une trentaine de personnes. Dans la première, un groupe électrogène dans une remorque et des néons éclairant la ville sur leur passage. Destination les jardins ouvriers pour l’installation d’un studio éphémère et la projection d’un montage en direct constitué du mélange de vidéos antérieures réalisées en voyage et de ce qu’Arnaud filmait depuis l’arrêt des voitures. « Une manière de montrer les processus de fiction, la manière dont on monte un film tout en incluant le public et en acceptant la fragilité du processus live, de l’impromptu et de l’erreur. » C’est d’ailleurs une autre performance qu’Arnaud nous proposera à la suite du vernissage de l’exposition prévu vendredi 11 septembre à 18h30.
03 69 06 37 77 – www.esad-stg.org