Voix
En quelques jours, le Festspielhaus accueille deux des plus grands ténors de la planète, Jonas Kaufmann et Rolando Villazón. Deux instants suspendus qui confirment la place de l’institution de Baden-Baden dans la galaxie lyrique : au sommet.
Le premier se nomme Jonas Kaufmann et bouleverse les scènes mondiales depuis une dizaine d’années. À un peu plus de 40 ans, le ténor allemand a quitté sa chrysalide de fragilité juvénile pour voguer sur les eaux d’une maturité glamour riche en couleurs et en robustesse… On le constate sur plusieurs disques récents, un enregistrement tout en sombre sobriété avec son complice le pianiste Helmut Deutsch, du cycle Die Schöne Müllerin de Schubert et l’étincelant Verismo Arias, où la netteté ne se laisse jamais subjuguer par l’émotion inhérente au patchwork musical choisi, dans lequel se mêlent extraits de Cavalleria rusticana, Andrea Chenier ou encore Adriana Leucouvreur. À Baden-Baden, avec le City of Birmingham Symphony Orchestra (dirigé par Andris Nelsons), Jonas Kaufmann nous entrainera sur les chemins croisés de Richard Strauss et de Gustav Mahler avec ses Kindertotenlieder (Chants des enfants morts), une des expressions introspectives parmi les plus violentes de la tristesse en musique.
Changement complet d’atmosphère quelques jours plus tard avec le vibrionnant Rolando Villazón et l’orchestre de chambre Nuevo Mundo. Nous quittons le chagrin germanique aux accents intimistes pour entrer dans un univers ensoleillé et exubérant fait de trésors (et de raretés) du bel canto signés Bellini, Donizetti, Rossini, Verdi… Un répertoire aimé avec passion par le ténor mexicain qui n’hésite jamais à faire des incursions hors de l’univers classique stricto sensu : des disques aussi passionnants que La Strada rassemblant des chansons tirées de films ou ¡México!, étonnante exploration des musiques du pays natal de l’artiste (avec des standards comme Bésame mucho ou Cucurrucucú paloma arrangés pour orchestre de chambre). On vérifiera cette empathie naturelle avec le bel canto, fin mai, lorsqu’il interprétera Nemorino dans L’Elisir d’amore de Donizetti dans sa propre mise en scène. Entre passion exacerbée, expressionnisme (parfois hors de toute mesure), aigus bouleversants et fougue bouillonnante de tous les instants, l’ardent latin lover de l’art lyrique séduit… et pas uniquement les spectatrices.
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