Visite au restaurant Alchémille chez Jérôme Jaegle
Frontale et proche de la nature alsacienne, la cuisine de Jérôme Jaegle, récompensée par une Étoile au Guide Michelin, se déploie au restaurant Alchémille. Visite à Kaysersberg.
En quelques années, Jérôme Jaegle a su imposer sa patte dans le paysage gastronomique avec une cuisine au plus près des éléments. Ouvert en 2015 dans sa cité natale, l’Alchémille – qui tient son nom d’une « plante des alchimistes, associée à la fertilité au Moyen-Âge, la dernière à tenir la rosée le matin » – est un restaurant dont le rapport au terroir alsacien est viscéral. « Je suis petit-fils d’un boucher charcutier, éleveur de moutons. Mon autre grand-père était bucheron », explique le chef passé par des maisons prestigieuses (que ce soit chez Jean-Yves Schillinger ou Christian Têtedoie). Chacun de ses menus porte le nom d’un vallon de la région où flottent des souvenirs d’enfance : Toggenbach, Rehbach et Geissabrenala. « Mes valeurs sont celles de la terre », balance un homme dont la cuisine est brute, sans être brutale. Bien au contraire, elle se déploie dans des efflorescences de finesse, accompagnée de vins songeusement choisis. « En Alsace, si tu n’est pas au minimum bio, c’est que tu n’as pas compris un truc », expliquet-il à propos d’une sélection de flacons dont les porte-étendards se nomment Beck-Hartweg ou Schoenheitz. Le ton est donné dès l’apéritif, avec un saucisson de sanglier réalisé et maturé par ses soins révélant une plénitude de saveurs animales extatiques, non exemptes d’un séduisant brutalisme.
Dans une salle élégante et boisée aux teintes chaleureuses, le dîneur se sent hors du temps… Loin de tout, mais près de la poésie des produits exprimant toutes leurs possibilités. Pensons à un céleri conservé deux ans et demi pour atteindre sa plénitude ou à une multitude de plantes – deux par plat, c’est la règle – transcendant nos sens. Dans le domaine de l’écologie Jérôme Jaegle ne se paie pas de mots… Illustration par l’exemple avec une com position dont l’évidence le dispute à la finesse : les escargots et l’épeautre y dansent une valse à trois temps hésitant entre frénésie primitiviste et douceur contemporaine – à moins que cela ne soit l’inverse –, rythmée par ail des ours, persil et garum aux accents antiques. Autre belle réussite, l’alliance du silure – si souvent décrié, mais à la chair exquise – et du chou chinois, twistée par romarin et oseille rampant. Voilà de quoi conférer une sacrée colonne vertébrale aromatique à l’ensemble. Ce plat entre en résonance avec un autre poisson, véritable acmé du repas. On demeure en effet ébloui devant la folle élégance toute en simplicité d’une nageoire pectorale de carpe du Rhin au beurre avec ail des ours et persil.
Le Restaurant Alchémille est situé 53 route de Lapoutroie (Kaysersberg). Fermé les dimanches et lundis ainsi que les midis du mardi au jeudi. Menus de 80 à 140 €
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