Bistrot du quartier de La Laiterie, Au Gobelet d’Or est de ces rares troquets d’antan ayant conservé une âme. La personnalité des patrons, mère & fils, et un cuistot aussi doué aux fourneaux qu’un crayon en main n’y sont pas étrangers.
À mi-chemin entre La Laiterie et les ateliers d’artistes de La Semencerie, un café populo fait l’angle. Son enseigne en lettres rouges rappelle la couleur du drapeau vietnamien dont était originaire le père de Nguyen Anza qui tient, avec sa mère, l’établissement familial depuis 22 ans. Aucun lien pourtant, le nom – Au Gobelet d’Or – comme le zinc massif tout en rondeurs, datant des seventies, sont d’époque. Nguyen arpente la salle depuis ses 16 ans. Les années passent, les lois se succèdent (Évin en 1991, interdiction de fumer dans les lieux publics en 2008), les habitudes changent. Avec une pointe de nostalgie, il évoque aujourd’hui « le temps des Tontons Flingueurs, ces habitués aux gueules pas croyables ». Il y a 20 ans, des rangées de clients s’agglutinaient par vagues au comptoir, laissant la salle quasiment vide. Aujourd’hui, on s’y presse le midi pour profiter du repas du jour (entrée + plat + dessert pour 8,5 €) dans un mélange hétéroclite de musicos d’Artefact, de voisins, d’artistes underground, de théâtreux de La Fabrique ou des Taps, de cols bleus, de VRP et livreurs de passage… Certaines choses semblent immuables : le charisme du patron apposant, en vitrine, une citation à côté du menu du jour, la chaleur humaine ambiante – dernier venu ou pilier de bar de longue date, tout le monde se salue – et le mélange des genres. Membre des troupes Les Improductibles et Occasion d’impro, Nguyen organise des soirées d’improvisation chaque 1er samedi du mois, donne un coin de salle aux groupes de passage (le Johnny de Madagascar, Éric Manana, ou Gil Jogging, looser à textes habitant le quartier) et expose ses photos d’habitués qu’il appelle tous par leur prénom.
Aux fourneaux, c’est Frédéric Pham Chuong, dit “Frédo”, qui s’active. Cuisine française tous les jours. Un plat vietnamien de temps en temps. À 29 ans, il vient de Mulhouse tous les jours, profitant du trajet en train pour peaufiner, non pas ses recettes, mais ses planches. Il rêve en effet de percer dans la BD, version comics. Autodidacte talentueux, son coup de crayon a tapé dans l’œil d’Ælement Comics où sortira en fin d’année Les Golden Stars, cosigné avec un autre dessinateur. Encrage, lettrage, colorisation, dessin et scénario d’après une trame originale, Frédo fait tout lui-même. Il ne s’arrête pas là. Avec son frère et deux amis, il a monté l’Asia Bro Team avec laquelle il réalise des courts métrages déjantés à base de voix accélérées et de scénars’ humoristiques entre polar, parodie et kung-fu. Le Gobelet d’Or, un creuset de talents dans un écrin d’authenticité.
03 88 75 18 77 – http://augobelet.free.fr
À voir : Super Good Team, court métrage de l’Asia Bro Team au Festival du Film de Colmar “7 Jours pour le 7ème Art”, du 10 au 16 octobre www.colmar.fr – www.asiabroteam.com