Qui n’a jamais été touché par la grâce d’une vénérable et antique bouteille, dont la dentelle du fruit et l’équilibre transportent dans un monde d’émotions, ne peut comprendre l’engouement pour les dives poussiéreuses, souvent délaissées dans le fond des caves. Témoignage
Le vin est la seule substance autorisant la communion avec la production d’un autre temps, témoignage toujours vivant d’une époque révolue. Les bouteilles antérieures aux années 1970, sont exemptes de produits chimiques de synthèse. Les rendements étaient alors limités naturellement par un climat plus froid et ces vins vinifiés classiquement offrent un vrai potentiel de garde. De telles reliques demandent un peu d’attention : ce sont des flacons à manipuler avec précaution en évitant de les secouer. Le bouchon, souvent dégradé après 50 ans de bons et loyaux services, réclame l’usage d’un tire-bouchon à double lames que vous allez délicatement glisser de chaque coté du liège et tourner ensuite doucement. Si quelques petits bouts de bouchon tombent dans le vin, il suffit de les filtrer grâce à une passoire à thé.
Il est essentiel de toujours ouvrir la bouteille quelques heures avant de la déguster. La plupart du temps le vin exhale des arômes désagréables de réduction, effluves douteuses de vieille cave, pas nets, toujours dérangeants… Combien de bouteilles sont alors mises à l’évier avant le constat miraculeux de sa rédemption ? Le vin a besoin d’air que diable ! Carafe, temps, patience et vous constaterez sa renaissance sous vos narines ébahies ! J’ai amené récemment, à mon papa né en 1933 qui vit en Bourgogne, une bouteille de Volnay 1933 signée René Barbier. Rencontre au sommet entre deux vénérables personnalités ! Le vin était surprenant, exprimant avec brio un fruit d’une jeunesse étonnante, une texture lissée et soyeuse. Nous avons fini la bouteille en nous extasiant et j’ai vu dans les yeux de mon père, fatigués par son grand âge, s’allumer quelques étincelles de joie et de vie, contagieuses et enthousiasmantes. Dans ce domaine, nous ne pouvons que vous enjoindre de faire un tour dans un conservatoire unique au Château de Kientzheim au siège de la confrérie Saint-Étienne. Des dizaines de milliers de bouteilles de vin d’Alsace – dont les plus anciennes sont plus que centenaires – constituent un témoignage précieux de la viticulture de la région. Une mémoire vivante du travail des anciens ! Quelques unes sont mises chaque année en vente aux enchères afin de faire de la place aux plus jeunes.
