Valérian chez Francisque
Manu Larcenet revisite Valérian… et ça décape ! Devenu un anonyme alcoolique, notre héros va reprendre du service dans une aventure foutraque et burlesque.
En janvier 2010, Mézières et Christin avaient clôturé brillamment la saga Valérian avec son vingt-et-unième opus L’Ouvre temps, tout en laissant la porte ouverte à des réinterprétations du mythe… L’exercice semblait éminemment périlleux et de nature à rebuter les plus courageux. Manu Larcenet s’est pourtant jeté à l’eau avec L’Armure du Jakolass. Mission accomplie.
L’agent spatio-temporel le plus célèbre de la galaxie a bien changé : le voilà accoudé au zinc de Chez Francisque, le rade favori de l’auteur qui, avec Yann Lindingre, en a fait une BD caustique où les brèves de comptoir s’alignent comme à la parade. Valérian métamorphosé, clope au bec et ballon de jaja à la main, rêve d’espaces intergalactiques et, entre deux platitudes réac’ de poivrot – « J’ai gâché ma vie… et tout ça c’est la faute à la politique » – improvise des poèmes de haute volée : « Ô ciel constellé où l’homme libre se saoule d’aventures ignorant les céphalées qui d’ordinaire accompagne la biture ».
Soudain, l’existence tristouille de ce nabot à l’immense pif rouge, bedonnant, dégarni et moustachu – eh, oui notre héros a vraiment changé ; mais que va dire Laureline ? – va basculer. Fin de l’amnésie, en route pour de nouvelles et rocambolesques aventures, car Monsieur Albert et trois Shingouz sont venus le chercher. La collision entre les deux univers est réussie : la folie douce de Larcenet, son humour parfois (très très) potache, se mêle brillamment avec le space opera de Mézières et Christin pour former un Objet Visuel Non Identifié qui n’est ni une suite, ni un pastiche… mais une relecture inspirée et surprenante, un one shot « à la fois sidéral et sidérant » (hommage des auteurs au créateur de Blast) où l’on croise, en faisant un peu attention, bien des références de la BD, de Baru à Binet, en passant par Cosey, Pétillon ou Cestac…