Urbex Gonzo
Dans sa nouvelle création, Le Gonze de Lopiphile, David Séchaud crashe une énorme boîte sur scène dont il confie l’exploration à trois personnages issus de la danse, du cirque et de la musique.
La caisse de transport échouée au centre du plateau a les atours d’une boîte de Pandore. Ainsi a débuté la création de cette pièce. Maître du protocole, David Séchaud a laissé six heures à chaque membre de son équipe de recherche pour se l’approprier : « Le musicien Lucas Hercberg en a fait une caisse de résonnance en tirant des câbles à la manière d’une contrebasse. Damien Briançon, danseur, a tourné autour, convoquant les fantômes de l’objet en retenant tout ce qu’il pouvait d’avant l’accident. Finalement c’est Gwenn Buczkowski, acrobate et trapéziste, qui a ouvert la caisse, s’y est faufilée et en a tout sorti ou presque : fausses colonnes de marbre, pierres taillées… » Dans la continuité de son précédent projet (Archivolte1) – projet de casse d’un musée se terminant sur un effondrement – le metteur en scène invite à une périlleuse traversée de structures architecturées. Au milieu d’une poutre triangulée plus ou moins effondrée et de voutes reconstituées, c’est bien l’idée de l’accident qui guette nos explorateurs. « La ruine me fascine pour le mystère qu’elle convoque et ses questions insolvables : qu’elles soient symboliques (franchir, porter…), patrimoniales (quand arrêter de reconstruire un édifice et pourquoi ?) ou platoniciennes (ses symboles classiques et magiques). La vision subjective des comédiens prend le pas sur ma recherche initiale, nourrie de lectures comme Le Songe de Poliphile2 ou De Architectura de Vitruve, et de ma fascination pour des gravures de Lorentz Stoër. Leur ironie et leurs jeux ne les empêchent pas de se faire submerger, ni de devoir faire face à l’accident. » Nos archéologues de fortune, empêtrés dans la volonté de remonter le fil d’une histoire dont ils peinent à déchiffrer les signes, dérivent au gré des découvertes, notamment celle d’une tresse, « petit monstre extrait du cerveau de la boîte avec lequel ils se retrouvent bien obligés de dealer ». Un instrument naîtra de leurs essais et de leurs parcours entrecroisés, la musique finissant de les réunir. Au milieu de leurs hypothèses sur l’espace et le bâti qui nous sont parvenus, le motif de la ruine qui hante les pièces de la Cie Placement libre, exprime en creux une autre manière de contempler ces espèces d’espaces nous entourant et nous dépassant. Comme une voie divergente au catastrophisme brutal ambiant.
Annulé au TJP grande scène (Strasbourg), du 4 au 6 novembre (dès 10 ans) tjp-strasbourg.com
Rencontre avec les artistes dans le cadre d’une Radio Pratique(s) à l’issue de la représentation du jeudi 5 novembre, en public et en direct sur tjp-strasbourg.com (20h15) ou en réécoute sur corps-objet-image.com
À Persé Circus, sous chapiteau (Thierville-Sur-Meuse), jeudi 7 janvier 2021
transversales-verdun.com
1 Lire Le Casse du siècle dans Poly n°194 ou sur poly.fr
2 Roman italien foisonnant du XVe siècle