Une symphonie héroïque

© Matthias Creutziger

À Luxembourg et Baden-Baden se produisent l’immense et charismatique Christian Thielemann et sa Sächsische Staatskapelle Dresden. Voilà l’occasion de découvrir un titan de la direction d’orchestre dans la monumentale Symphonie n°5 de Bruckner.

Un colosse de la musique classique qui trempe sa baguette dans le flot tellurique puissant des “grands ancêtres” germaniques que sont Herbert von Karajan, Karl Böhm ou Wilhelm Furtwängler. Voilà comment apparaît Christian Thielemann, prétendant plus que sérieux à la succession de Sir Simon Rattle à la tête des Berliner Philharmoniker, en 2018. Le Wagner du chef de la Sächsische Staatskapelle de Dresde, un des plus excitants de la planète, est d’essence cathartique, plongeant l’auditeur au plus profond de l’âme de la partition. Son Bruckner est une merveille extatique : c’est du reste une interprétation de sa Symphonie n°8 qui propulsa le musicien à la tête de la phalange saxonne. À Luxembourg et Baden-Baden, il donnera sa Symphonie n°5, une « gigantesque cathédrale sonore » selon le musicologue Harry Halbreich. Gageons qu’avec le chef allemand elle sera gothique, ses efflorescences délicates hésitant sans cesse entre puissance chtonienne primitive et exubérance éthérée.

Avec ses partis pris assumés, ses références à la tradition, Christian Thielemann ne laisse pas indifférent, se faisant parfois taxer de conservatisme et de rigidité. C’est sans doute le rare privilège des très grands de pouvoir encore susciter la controverse dans un monde de plus en plus aseptisé et lisse, pour ne pas dire chiant. Preuve de tout l’intérêt que revêt la vision “thielemannienne” de la musique sera apportée au Festspielhaus (vendredi 14 mars) avec un programme en forme de véritable carte de visite avec des pages de Liszt, Beethoven (son Concerto pour piano n°4 interprété par Radu Lupu) et Richard Strauss. On entendra son poème symphonique Ein Heldenleben (Une Vie de héros), autobiographie musicale en forme d’hagiographie que le compositeur écrivit à sa propre gloire. Description des adversaires du preux personnage comme de ridicules histrions, exaltation de sa compagne et de leur relation passionnée, combats nietzschéens, entreprise d’auto célébration qui évoque Les œuvres de paix du Héros (on reconnaît là des extraits, entre autres, de Mort et Transfiguration, Don Quichotte ou Macbeth) puis accomplissement et retraite… Narcissique, martial et brillant !

À Luxembourg, à La Philharmonie, mardi 11 mars
+352 26 32 26 32 – www.philharmonie.lu
À Baden-Baden, au Festspielhaus, vendredi 14 et samedi 15 mars
+49 7221 3013 101 – www.festspielhaus.de
www.staatskapelle-dresden.de

vous pourriez aussi aimer