Une saison de plaisirs
Dernier programme de la saison pour le Ballet de Lorraine qui compose une soirée avec deux créations : une Murmuration de Rachid Ouramdane précédée de Record of ancient things du duo Thomas Caley & Petter Jacobsson. Interview.
Après cinq chorégraphes à l’identité tue, puis le Gala d’amateurs de Jérôme Bel, comment avez-vous pensé le dernier rendez-vous des « Plaisirs inconnus » de votre saison ?
J’ai voulu une soirée partagée, réunissant deux créations explorant les possibilités – mais aussi la volonté ou son absence – de sortir du cadre de la scène et de nos recherches personnelles. Une soirée sans entracte, le défi de marier les esthétiques de Rachid Ouramdane avec la nôtre. Une expérience de l’inconnu pour le public invité à sortir des normes habituelles. Rachid a déjà travaillé avec des groupes importants, ce qui nous séduisait pour proposer une création à l’ensemble des danseurs du Ballet. Une vingtaine d’interprètes qui sera donc sur scène.
Les pièces de Rachid Ouramdane sont traversées de questionnements sociaux, à l’instar de Sfumato ou POLICES !*. Cette approche vous a attiré ?
Dans Murmuration, il questionne le groupe, la masse, ce qu’elle entraîne et signifie. Il travaille sur les relations entre les êtres, avec beaucoup de mouvements simultanés, comme s’il investissait une place bondée de monde. L’inattendu est au cœur de son projet, totalement ancré dans l’époque actuelle.
Avec Record of ancient things, vous investissez l’espace de la performance avec le désir d’intégrer le public. Comment l’activerez-vous ?
Notre idée était de partir de la notion de “protagoniste”. Dans un théâtre, c’est souvent l’architecte du lieu qui se sent le plus responsable et actif. Les interprètes et les créateurs de spectacles revendiquent aussi leur main-mise sur l’espace et son utilisation, en ce sens où ils lui donnent un sens, le remplissent d’une proposition. Mais le public s’y réunit pour voir quelque chose aux atours magiques et pourtant totalement factices. Il a autant de place que les artistes puisque sans lui, cela n’aurait pas de sens. Nous brisons donc les frontières établies, inventons une scénographie totalement transparente dévoilant pendrillons et coulisses grâce à des volumes en plastique. Nous requestionnons ainsi l’espace formel de travail habituel et jouons avec l’architecture de l’espace. Comme avant que Wagner n’impose la convention du noir, nous éclairerons le public, convoquant tous types de danses. Nos interprètes, habillés de costumes colorés à motifs de roches précieuses (marbre…), voudront être vus et remarqués. Quant aux activations du public, nous préférons garder la surprise.
* Voir Poly n°165 ou sur poly.fr