Une jeunesse impressionniste

Pierre-Auguste Renoir, Femme à l’ombrelle dans un jardin, 1875-1876 Museo Thyssen-Bornemisza, Madrid

Une cinquantaine de toiles rendant compte d’une quinzaine d’années de création, entre 1864 et 1880 : le Kunstmuseum Basel nous entraine dans les jeunes années de Renoir, Entre bohème et bourgeoisie.

Une des premières œuvres présentées a été peinte par Pierre-Auguste Renoir (1841-1919) à l’âge de 26 ans : cette Lise tenant un bouquet de fleurs des champs évoque déjà l’impressionnisme, dont la première exposition “officielle”, regroupant aussi Monet, Pissarro, Sisley, Cézanne ou Degas (on en voit certains portraiturés à Bâle), se tiendra en 1874 dans le studio du photographe Nadar. On y découvre les traits essentiels d’un mouvement qui révolutionna l’art et la touche personnelle de Renoir, une légèreté marquée par le réalisme d’un Courbet et le travail d’après nature de l’École de Barbizon. Cette joliesse apaisée se retrouve dans plusieurs autres portraits de Lise Tréhot avec qui il est en couple de 1865 à 1872 : Lise champêtre, assise dans l’herbe, Lise en bourgeoise raffinée, sensuellement gantée, Lise regardant, attendrie, une perruche, Lise en promenade avec un galant… La plus excitante représentation de la jeune fille est sans doute En été (1868) : la mollesse mélancolique de son attitude, décolleté largement ouvert et cheveux lâchés, et l’indolence sensuelle de son regard en font une parfaite et désirable incarnation de l’héroïne de L’Ennui de Moravia.

Pierre-Auguste Renoir, En été, 1868 Staatliche Museen zu Berlin, Nationalgalerie bpk / Jörg P. Anders

Dans cet ensemble de tableaux où sa première muse a servi de modèle, le visiteur découvre toute la diversité du jeune Renoir, qui, à l’époque, mange encore de la vache enragée, traînant ses guêtres – et c’est l’intitulé de l’exposition – Entre bohème et bourgeoisie. Une œuvre comme la grande (2,61 x 2,26 mètres) et très chic Allée cavalière au Bois de Boulogne est emblématique de cette dualité : clairement destinée aux élites, dont elle représente un des rites sociaux favoris, la toile est l’œuvre d’un peintre désireux de trouver sa place au soleil. Il la présente, avec un portrait, au Salon de 1873 où elle est refusée. C’est aussi ce nouvel échec qui le poussera à fonder, l’année suivante, le groupe impressionniste sous l’égide de la Société anonyme des artistes peintres, sculpteurs et graveurs. Dans l’exposition se déploient les différentes facettes de la création du jeune artiste : sa proximité avec Monet – ils peignait souvent ensemble, en témoigne La Seine à Argenteuil – et Manet, sa maîtrise de la nature morte, son goût pour le portrait… Vers 1880, Renoir, en grandes difficultés, se tourne à nouveau vers le Salon et développe une peinture plus académique. C’est le début d’une nouvelle aventure, des tableaux inspirés d’Ingres puis des Baigneuses, un autre Renoir, qui n’est pas représenté ici, et que certains ont jugé trop “joli” et pas assez profond, mais dont on redécouvrira peut-être bientôt tout l’intérêt…

À Bâle, au Kunstmuseum, jusqu’au 12 août
+41 61 206 62 62 – www.kunstmuseumbasel.ch

 

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