Une belle hellène

Figurines de taureau, XIIe siècle av. J.-C., Musée archéologique de Mycènes © Hellenic Ministry of Culture and Sports © Badisches Landesmuseum Photo : Gaul

Rassemblant plus de 400 pièces archéologiques, une passionnante exposition du Badisches Landesmuseum entraîne le visiteur dans l’Antiquité grecque de Mycènes.

En entrant dans cette pharaonique exposition (plus de quatre ans de travail et un budget d’1,3 million d’euros), le visiteur est immédiatement dans l’ambiance. Accueilli par une reproduction à l’échelle de la monumentale Porte des Lionnes, il est transporté au cœur du Péloponnèse, à Mycènes, cité fouillée par Heinrich Schliemann dans les années 1870. « Son rôle est ambivalent », résume la commissaire en chef de l’exposition, Katarina Horst : « Si l’on peut le remercier de ses découvertes, il ne faut pas oublier qu’il fut plus un chasseur de trésors qu’un véritable archéologue », trouvant notamment en 1876, dans le Cercle de tombes A1 un masque funéraire d’or, visage rond et énigmatique jailli du passé. Dans les salles qui suivent, nous est proposée la découverte des contours de la « première haute culture du continent européen » qui s’est épanouie à l’Âge du Bronze, connaissant son apogée entre 1600 et 1200 avant Jésus-Christ.

La monumentale Porte des Lionnes de Mycènes, XIIIe siècle
av. J.-C. © Badisches Landesmuseum Photo : Gaul

Associée aux héros homériques comme Agamemnon et à la Guerre de Troie, la civilisation mycénienne était une culture guerrière et palatiale dont témoignent des fragments de fresques représentant des lions du palais de Pylos et des morceaux du sol de celui de Tirynthe pourvu de fortifications cyclopéennes. De multiples objets dont beaucoup n’avaient jamais été montrés au public (tels de précieux bijoux provenant de la Tombe
du guerrier au griffon excavée en 2015) révèlent un monde encore mystérieux dont l’écriture, le Linéaire B, a seulement été déchiffrée dans les années 1950. Sont ainsi exposés des sceaux ornés de délicats motifs, une amphore décorée d’un poulpe majestueux, un stamnos2 annonçant les vases de l’époque géométrique, des tasses d’or…

Chevalière avec taureau XVe siècle av. J.-C., Pylos, Musée archéologique de Messénie © Hellenic Ministry of Culture and Sports
© Badisches Landesmuseum Photo : Gaul

Liens avec les Minoens de Crète, administration et organisation des différentes entités (mais aussi de leurs relations), vie quotidienne, économie gérée avec un soin méticuleux par une bureaucratie tatillonne (illustrée par de nombreuses tablettes d’argile), religion aux contours encore mystérieux, etc. : Mycènes fait le point sur les connaissances actuelles de ces Achéens qui connurent un déclin rapide dont la cause est sans doute à trouver dans une combinaison de facteurs naturels (un changement climatique), sociaux (des révolutions successives) et politiques (l’invasion des fameux “peuples de la mer”). Reste que la sombre splendeur de la cité où grandirent les Atrides rayonna des siècles durant, inspirant, par exemple, ces vers à Georges Séféris3 : « Quand se mirent à siffler les Erinyes / Parmi l’herbe rare / J’ai vu les serpents et les vipères entrelacés / Lovés sur la race maudite / Notre destin / Voix jaillies de la pierre, du sommeil / Plus sourdes ici où s’assombrit le monde. »


Au Badisches Landesmuseum (Karlsruhe), jusqu’au 2 juin
mykene.landesmuseum.de
landesmuseum.de

Visite guidée en français, 16/03 (16h)

1 À Mycènes furent découverts deux ensembles de tombes à fosse entourées d’une enceinte circulaire nommés Cercles de tombes A et B
2 Vase au col court, à la panse haute pourvu d’anses horizontales sur le côté servant à stocker différentes denrées
3 Prix Nobel de littérature en 1963

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