Un design nommé désir

Le Vitra Design Museum expose Shiro Kuramata, créateur poète proche d’Issey Miyake. Découverte de l’œuvre d’un rêveur tissant des liens entre l’Orient et l’Occident, le monde réel et un univers fantasmé fait de verre, de plexiglas ou de maille d’acier.

Miss Blanche : tel est le nom de la chaise créée en 1988 par Shiro Kuramata, clin d’œil à Blanche Dubois, élégante héroïne de Tennessee Williams dans Un tramway nommé Désir. On se croirait à la fois chez Kenzo et Miyazaki : gracieux et onirique, ce siège translucide en acrylique emprisonne des roses en lévitation. Le designer japonais, qui avoua souhaiter plus que tout pouvoir défier la gravité, exauça alors ses rêves de liberté, faisant flotter les fleurs pourpres, devenant éternelles. Elles sont figées à jamais, mais semblent virevolter en apesanteur.

Le Vitra Design Museum salue la poésie des pièces de Shiro Kuramata, né en 1934 à Tokyo et mort prématurément en 1991. Un artiste faisant flirter matériel et immatériel, esthétique extrême-orientale et avant-garde européenne. Ainsi, sa Glass Chair (1976), faite de simples plaques de verre collées, rend hommage au minimalisme japonais comme à De Stijl et aux compositions abstraites et géométriques de Piet Mondrian. La chaise est transparente : s’y asseoir revient à se poser dans les airs. Encore une fois, Shiro Kuramata tire la langue aux lois qui régissent l’univers.

Célèbre pour les boutiques réalisées pour son ami couturier Issey Miyake, il exécuta, dans les sixties, de nombreux travaux de design d’intérieur. C’est le mobilier qui l’inspira le plus. Il conçoit meubles et objets de décoration comme des œuvres d’art, harmonieuses, souvent sobres, mais non dénuées d’humour. Proche de l’Italien Ettore Sottsass – qui l’invita à rejoindre le groupe de Memphis, mouvement qui s’élève contre l’austérité du design et de l’architecture qu’il préfère ludiques et colorés – il créé notamment F.1.86 (1987), un porte-parapluie qui semble jaillir d’une toile de Magritte. Comme les Surréalistes, Kuramata prétend s’inspirer de ses rêves. Il nourrit également son imagination à la musique, le jazz lorsqu’il conçoit How High the Moon (1986), titre emprunté à un standard popularisé par Ella Fitzgerald. Ce fauteuil club, volumineux mais léger, joue encore avec la transparence. En résille métallique, entre fonctionnalité et lyrisme, il nage dans l’atmosphère, comme les notes échappées d’une partition de Duke Ellington ou d’Art Pepper.

À Weil am Rhein (Allemagne), au Vitra Design Museum, jusqu’au 12 janvier 2014

+49.7621.702.3705 – www.design-museum.de

 

 

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