En décembre, l’Université des grands vins1 proposait à ses membres une dégustation de Château Cheval Blanc, un Saint-Émilion d’anthologie. Compte-rendu d’un grand moment.
Fin d’après-midi maussade. La salle des Tanzmatten de Sélestat est comble pour la présentation prestigieuse des vins du Château Cheval Blanc, les 100 places proposées ayant été prises d’assaut dès la proposition affichée sur le site de l’UGV. Les dégustateurs amateurs, vignerons, sommeliers et autres passionnés piaffaient d’impatience, verre en main, sur la ligne de départ de ce grand prix de la dégustation. Il faut dire que le Château Cheval Blanc occupe la plus haute place dans le classement des grands crus de Bordeaux – Premier grand cru classé A – et qu’il est un vin mythique, rare et finalement assez méconnu. Sémillant et très jeune directeur technique de l’institution, Pierre-Olivier Clouet s’était déplacé pour présenter un travail d’orfèvre. Situées en dehors du plateau calcaire de Saint-Émilion, les vignes de 37 hectares jouxtent Pomerol sur des sols contrastés d’argile, de grave et de sable et confèrent aux vins issus des sélections des 45 parcelles des caractères complémentaires de puissance, de complexité et d’élégance qui signent la singularité et la grande qualité de Cheval Blanc.
Le cabernet franc est majoritaire, suivi de près par le merlot. Les sélections massales2 des vieilles vignes encore présentes sur le domaine offrent un choix de première qualité de plants de jeunes vignes issus du patrimoine de souches cultivées ici depuis plus de 200 ans. Les raisins ramassés à la main (bien évidemment), sont récoltés bien mûrs mais sans sur-maturité, afin de garder au vin sa fraîcheur et sa race. Après une cuvaison d’un mois, les vins sont élevés en fûts neufs. Passage en revue de différents millésimes dont les prix (qui varient selon les années et les réseaux de 1 200 à 1 500 € la bouteille) en font un vin de rêve assez inaccessible, à moins de gagner au tiercé dans l’ordre le prix d’Amérique !
- Un vrai cheval de course, réservé et racé, une belle pureté de dessin, longiligne et endurant. Un vin de patience, distingué.
- Une bête de concours, des arômes de violette, de menthol, de bâton de réglisse, d’épices orientales, un corps puissant taillé pour le fond, une musculature sensuelle…
- Un aristocrate, dressé fièrement sur de longues jambes, un caractère sanguin, un brin capricieux, un port classique et admirable malgré un tempérament sudiste.
- Il a beaucoup couru et perdu un peu de muscle pour dévoiler une ossature nerveuse et racée, encore habillée d’une chair harmonieuse, un ascète parfaitement dessiné.
1 Voir Poly n°195 ou sur poly.fr
2 Se dit d’une méthode de sélection consistant à choisir dans une population de végétaux des individus présentant des caractéristiques intéressantes, et à les multiplier.