Un Continent littéraire
Écrivain voyageur, Olivier Barrot livre un court essai sur la Mitteleuropa, territoire gorgé de littérature aux frontières géographiques incertaines.
On le connaît essentiellement comme homme de télévision. Brillant créateur (et animateur) de l’émission Un livre un jour, Olivier Barrot est aussi un écrivain de talent qui sait se faire chroniqueur géographico-littéraire. Après plusieurs voyages anglo-saxons, il entraîne aujourd’hui son lecteur au cœur de la Mitteleuropa, contrée aux limites mouvantes qui l’attire depuis l’adolescence, comme un aimant. Avec cet essai d’une centaine de pages, il arpente cette “Europe centrale sans centre”, allant de la Suisse (« la plus méconnue et la plus exotiques des destinations européennes ») à la Transnistrie (État hors du temps, où l’auteur n’a pas réussi à pénétrer), via la défunte République démocratique allemande. Une canicule pragoise, des brumes polonaises, des échappées belles hongroises, une errance le long du Rideau de Fer… Le voyage mental est surprenant, se faisant, page après page, historique, littéraire, cinématographique ou encore pictural. Olivier Barrot explore toutes les strates de la Mitteleuropa au milieu des fantômes encore vivaces du Monde d’hier et des spectres amicaux de l’Empire austro-hongrois auquel il est intimement lié par son histoire familiale. La circumnavigation est charmante et érudite, rappelant au lecteur des noms oubliés et des endroits tant aimés, même si l’abondance de références, parfois, assèche le propos. De l’inconvénient du name dropping pratiqué à outrance… Heureusement, la joie de retrouver certaines phrases perdues dans les limbes de la mémoire occulte cet inconvénient mineur. Un exemple ? Dans ses Mémoires de Hongrie, Sándor Márai écrit, à son arrivée en Autriche : « Nous laissâmes le pont derrière nous et poursuivîmes, dans la nuit étoilée, notre voyage vers un monde où personne ne nous attendait. Pour la première fois de ma vie, j’éprouvai un terrible sentiment d’angoisse. Je venais de comprendre que j’étais libre. Je fus saisi de peur. »