Un autre monde
Sigmar Polke ne fut d’aucune chapelle : une passionnante rétrospective regroupant une centaine de pièces marque la singularité de l’artiste alchimiste allemand.
Alchimie et Arabesques : le titre claque à la fois comme un résumé de l’exposition consacrée à Sigmar Polke (1941-2010) et une synthèse de la réflexion d’un artiste majeur qui avait créé le Réalisme capitaliste avec son pote Gerhard Richter alors qu’ils étudiaient à la Kunstakademie de Düsseldorf dans les sixties. Au fil des ans, le propos se fait aussi corrosif que les matériaux utilisés, souvent toxiques – comme l’orpiment contenant de l’arsenic – pour lesquels il avait une véritable fascination : les expériences photographiques autour de l’uranium de celui qui possédait une collection d’objets en ouraline (dont une partie est montrée) sont d’énigmatiques et surnaturelles explosions solaires aux contours flous. L’alchimiste se double d’un véritable théoricien de la ligne qui emprunte les structures de gravures de Dürer ou d’Altdorfer et recherche inlassablement de nouvelles formes, laissant une place prépondérante au hasard. Ses cahiers d’esquisses, étranges mélanges entre complexes lacis et successions de tests de Rorschach en témoignent, tout comme des clichés de ceps de vignes tordus, qu’on dirait suppliciés, et des sculptures obtenues en coulant de l’or dans des interstices de l’asphalte d’une chausée.
Cynique, celui qui considérait qu’un tableau est « à lui seul une méchanceté en soi », peint sur des toiles à matelas faites de lignes où se découpent des motifs exotiques, perroquets et fleurs : Hollywood (1971) aux accents pop donne ainsi une vision ironique de la machine à rêves de la côte ouest. Réalisé sur un tissu imprimé, $-Bild (1971) ressemble à un ricanement étrillant le “dieu dollar”, tandis que l’immense Schwimmbad (1988), avec ses baigneurs désinvoltes sur fond rougeoyant, sonne comme une acerbe critique de la mollesse consumériste dans laquelle s’alanguit la RFA. S’il y agrandit les points de trame comme Roy Lichtenstein, Polke délaisse le côté comics pour créer des images aux résonances politiques qui demeurent néanmoins nimbées de mystère, installant les contours d’une autre réalité qui rappelle parfois les canons de l’expressionnisme abstrait comme dans Malpappe (1986). On retrouve cette quête d’un ailleurs sarcastique dans ses œuvres des années 1980 faites avec un photocopieur détourné de sa fonction de reproduction puisque l’artiste s’en sert pour étirer et brouiller les images. Il n’est ainsi pas étonnant que le visiteur soit accueilli dans l’exposition par un mur de miroirs déformants qui appartenaient à l’artiste.
Dans le cadre du Festival de Pâques du Festspielhaus (voir page 65), le musée accueille des musiciens des Berliner Philharmoniker (10/04) pour une réflexions sur baroque & improvisation (11h) et un programme de quatuor à cordes Beethoven / Mendelssohn (14h)
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