Lux, calme et volupté

Photo de Armin Smailovic

Les Théâtres de la Ville de Luxembourg s’imposent comme l’une des structures les plus puissantes de la grande région. Rencontre avec son directeur, Tom Leick-Burns, et son adjointe Anne Legill.

Votre institution s’est métamorphosée depuis quelques années…

Tom Leick-Burns. L’institution en soi a énormément changé, c’est vrai. Elle était une structure qui ne faisait que des accueils de spectacles. Aujourd’hui, les projets sont devenus de plus en plus complexes car en plus des coproductions, nous montons nos propres productions. Les équipes se sont renforcées en ce sens.

Comment composez-vous la programmation des Théâtres de la Ville de Luxembourg qui réunit l’excellence à tous les niveaux : Nicolas Stemann avec Manoury, les prometteurs jeunes chorégraphes Wang & Ramirez ou encore Julien Gosselin ?
TL-B. Cela se construit sur plusieurs niveaux car nous sommes une maison pluridisciplinaire (danse, opéra, théâtre). Un mélange de partenariats dont j’ai hérité grâce à l’énorme travail de mon prédécesseur pour placer les Théâtres sur la carte artistique de l’Europe en tant que coproducteur et maison qui sou- tient la création contemporaine. Ce rayonnement lié à notre programmation génère des contacts et des interactions avec d’autres lieux prestigieux avec lesquels les liens se tissent de plus en plus : le Théâtre de la Ville, le Festival d’Aix-en-Provence, l’Opéra de Lille, le Vlaamse Opera… Nous avons besoin de partenaires compétents à tous les niveaux pour produire des opéras dignes d’une des capitales européennes.

S’y succèdent Nicolas Stemann, Jean-François Sivadier, Fabrice Murgia, Ivo van Hove… Là encore votre sélection est relevée et de toutes générations. Vous faites aussi des paris ?
TL-B. Forcément, dans des coproductions, on ne sait jamais ce que ça va donner. C’est une histoire de confiance en des metteurs en scène, des partenaires, des équipes artistiques. Il n’y a que les maisons à financements publics qui peuvent faire de tels paris pour des créations.
Anne Legill. C’est aussi un l tissé avec le public qui fait confiance à nos choix et est avide de découvertes, parfois très surprenantes.
TL-B. Nous ne sommes pas réductibles à une simple recherche d’excellence dans la programmation. Nous prenons de vrais risques, dans les formes comme sur le fond. Nous sommes bien entendu sensibles au bruit que font les spectacles.

Zola marathon de Luk Perceval © Armin Smailovic

Votre projet pour le Théâtre des Capucins, au centre de la Ville, était de le dédier en partie à l’émergence luxembourgeoise. Quel bilan faites-vous après deux saisons complètes ?
AL. La 3e édition de notre TalentLAB (du 24 mai au 3 juin avec un focus sur l’écriture) fait suite à une seconde édition avec peu de candidatures mais pour 2018 nous avons 17 candidatures en danse, 13 en théâtre et 6 en opéra. C’est très excitant et suscite beaucoup d’émulation.

Les Théâtres de la Ville de Luxembourg ont aussi quelques ovnis chorégraphiques comme Eun-Me Ahn. Vous sentez votre public mûr pour cela ?

AL. Nous gardons une grande délité à des chorégraphes comme Sasha Waltz, Anne Teresa De Keersmaeker, Akram Khan, Sidi Larbi Cherkaoui mais chaque saison nous sélectionnons quelques pépites à faire découvrir aux spectateurs. Eun-Me Ahn a fait salle comble !
TL-B. Cela participe de l’identité qui se dessine pour chacune de nos salles. Le studio a cette réputation d’espace de défrichage de nouvelles formes et de découverte de compagnies. Cette black box se prête à tous les aménagements possibles pour déplacer, comme souvent, la place du public qui est différent du reste de la programmation.

Quelles sont vos plus grandes prises de risque ? Le Zola marathon de Luk Perceval ?
AL. C’est vrai que nous y avons réfléchi longtemps car c’est une adaptation audacieuse de Zola mais en allemand, et que c’est un vrai marathon, ce que nous n’avons encore jamais fait en nos murs.
TL-B. La musique contemporaine est toujours une prise de risque, même lorsque sont réunies des pointures comme Nicolas Stemann et Philippe Manoury dans Kein Licht. Mais nous sommes ers de cette diversité et le public, finalement répond présent, ce qui est un bon indicateur.

Anéantis de Sarah Kane par la metteuse en scène Myriam Muller
Notre sélection de spectacles à venir

> Zola marathon
La Trilogie de ma famille : Amour – Argent – Faim signée en allemand par Luk Perceval avec le Thalia Theater Hamburg promet d’être gigantesque. 9h dont 3 longs entractes pour conter 20 romans d’Émile Zola autour du destin d’1 famille avec 12 actrices et acteurs accompagnés de 3 musiciens. Ce sont toutes les transformations (industrielles, capitalistes) du XIXe siècle répercutées dans la trajectoire des Rougon-Macquart, entre rêve de bonheur et d’ascension sociale. La bête humaine se fait spectacle dans un miroir éclairant de notre époque.
Au Grand Théâtre (Luxembourg), dimanche 11 mars

theatres.lu

> Anéantis
Après le succès d’un Dom Juan de haut vol, la luxembourgeoise Myriam Muller s’attaque à la première pièce de Sarah Kane, étoile filante du théâtre britannique des années 1990. Dans une chambre d’hôtel, Ian et Cate, couple malade voit la Guerre civile faire tout voler en éclats. Un soldat viole Ian tandis que Cate s’enferme dans la salle de bain. Une mise en scène au dé de la représentation de la violence crue et du sexe comme de la passion et de l’espoir. Inspirée par la guerre des Balkans, la pièce trouve un écho non moins puissant avec la Syrie, deux décennies plus tard.
Au Grand Théâtre (Luxembourg), samedi 24 et mardi 27 février, jeudi 1er et samedi 3 mars

theatres.lu

> Il Barbiere di Siviglia
Attention duo de choc pour ce Barbier de Séville qui a triomphé au Théâtre des Champs-Élysées au mois de décembre : le sublime Laurent Pelly à la mise en scène, qui installe l’action dans un décor fait de gigantesques feuilles de papier à musique, et Jérémie Rhorer, un chef qui excelle dans ce répertoire à la tête de l’Orchestre philharmonique du Luxembourg.
Au Grand Théâtre (Luxembourg), mercredi 28 février, vendredi 2 et dimanche 4 mars

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