Tiago Rodrigues fait battre son Chœur des amants à Colmar
Tiago Rodrigues donne une seconde jeunesse à Chœur des amants, l’une de ses premières pièces.
Un anti Clôture de l’amour. C’est par la comparaison avec le “tube” théâtral de Pascal Rambert que pourrait se décrire Chœur des amants. L’histoire d’un couple qui va bien. Pas le plus grand succès de l’actuel directeur du Festival d’Avignon, mais l’un de ses bijoux dont le style, poli à l’extrême, scintillera de toute sa splendeur dans le sublime Antoine et Cléopâtre. Autre duo plus iconique s’il en est, où chacun porte la parole de l’autre. Une manière de défier l’incompréhension, le temps et la distance, d’évoquer cette manière d’avoir l’autre dans la tête, de le comprendre audelà de ce qui nous sépare, de confier l’indicible à la pure interprétation habitée d’amour irrépressible, même si tout cela ne peut que… mal finir. Mais revenons à ce Coro dos amantes, né en 2006 au Portugal, avant de se voir ajouter par l’auteur un nouveau chant en 2020, menant l’année suivante à la recréation de la pièce par ses soins.
Un couple composé par Alma Palacios et Grégoire Monsaingeon (en alternance avec David Geselson) y dévoile son histoire, avec une douceur aussi rare que confondante. Ce Chœur des amants ajoute aux effluves du cœur la choralité d’une interprétation en majeure partie synchrone, même quand, parfois, leurs propos – leurs points de vue sur les événements serait plus juste – divergent. Et de débuter tambour battant par une scène laissant le souffle court, en apnée devant le récit de son étouffement à elle, presque fatal, à la suite d’une crise aiguë qui les voit, au milieu de la nuit, rouler à toute berzingue vers l’hôpital, confiant leurs sentiments, révélant leur complicité totale. L’harmonie du verbe fascine autant dans son interprétation sans heurts que dans les infimes anicroches qu’elle met au jour lorsque dévient leurs versions. Si parler d’un même élan et de deux voix entremêlées jusqu’à l’indiscernable demande une confiance sans bornes à l’instant présent et à l’écoute, cela ne fait pas, seul, une grande pièce. Il faut le talent d’une écriture poétique peuplée de moments de vie où l’autobiographie se mêle à la rêverie (leur enfant qui chante pour s’endormir) et à la peur de tout perdre quand vient le manque. Avec la délicatesse qu’on lui connait, le metteur en scène portugais choisit une nouvelle fois l’épure scénographique pour mieux nous laisser combler les silences, meubler cet espace autour de deux chaises et d’une table par notre imaginaire. Rappelés par un coup du sort à l’urgence de vivre, ils nous mettent sur la voie de soi. Celle qui passe, aussi, par l’autre.
Au Théâtre municipal de Colmar vendredi 16 et samedi 17 février
comedie-colmar.com