Théâtre en Mai, deuxième édition
Seconde édition made by Maëlle Poésy, Théâtre en Mai accueille notamment un rituel techno-chamanique, un règne de clowns sur la zone et un Hamlet péruvien avec handicap. Ready or not?
Des lianes de néons ou de serpents assoupis jonchent le sol dans l’obscurité. Des haut-parleurs luminescents vibrionnent de couleurs pop. En maîtresse de cérémonie, Gabriela Carneiro da Cunha, quasiment nue, porte des haut-parleurs sur la tête et le sexe. La chamane orchestre ce rituel de paroles et d’images polyphoniques en trois temps qui donne corps et âme au rio Xingu, fleuve amazonien malmené par la construction d’un des plus grands barrages du monde, le Belo Monte, dans l’état du Pará. Le détournement des eaux vers les turbines de la centrale hydroélectrique a asséché le fleuve, perturbant la vie locale et déplaçant plus de 25 000 indigènes. Altamira 2042 (25-27/05, Consortium Museum) mêle images documentaires projetées, activisme participatif, esprits de l’eau et du vent. Dans ce qui prend la forme d’un cérémonial de naissance, deux mondes s’affrontent, loin de tout : « Si la rivière pouvait parler, d’abord elle crierait. Parce qu’elle ne parle pas, elle endure tout en silence. La rivière a été assassinée, l’eau et les poissons aussi, et tous les Brésiliens qui vivaient là », témoigne Raimunda Gomes da Silva pour les communautés d’Araweté et de Juruna. La performeuse cyborg dicte le tempo, donne corps à un mythe techno-sensible, où les voix non-humaines s’expriment (nature et machines). Cette part documentaire laisse place à trois personnages, faits de câbles lumineux et d’enceintes scintillantes : Ms Herondina, qui a vu sa maison engloutie par le barrage, Mr Dam Breaker, serpent audio-visuel dont la tête projette les vidéos sur les murs et, enfin, Aliendigenous, composé d’un hochet de chaman et de tambours. Le public est mis à contribution pour porter et participer, ici ou là, au milieu d’une régie totalement à vue, débordant de lianes électriques. Les artefacts de cette cérémonie high-tech donnent à la fois vie aux esprits xingu et symbolisent la disparition programmée des modes de vie traditionnels. Une manière de plonger les spectateurs dans les sensations de la jungle, plutôt que de l’illustrer vainement.
To be, or not to be
Dans son Pérou natal, Chela de Ferrari développe depuis plusieurs années un théâtre inclusif, revisitant des pièces classiques ou s’emparant de textes contemporains questionnant la diversité dans toutes ses dimensions. Un beau jour dans son théâtre, Jaime Cruz, ouvreur atteint du syndrome de Down (plus connu sous le nom de trisomie 21), lui fait part de ses envies de jouer sur les planches. La metteuse en scène, habituée des pièces de Shakespeare, saisit l’occasion pour s’attaquer avec une grande liberté à Hamlet (21-23/05, Atheneum, en espagnol surtitré en français)*. Elle voit dans les paroles du prince du Danemark – simulant la folie, soumis à des visions et à des questionnements existentiels – une résonnance nouvelle depuis la différence apportée par des comédiens avec handicap. « Être ou ne pas être »… considérés, pris en compte, regardés comme des égaux et des êtres humains à part entière. Norme et folie sont au coeur des interrogations que nous renvoie le dramaturge depuis quatre siècles. La directrice du Teatro La Plaza se plait à brouiller les frontières entre fiction et réalité, dévoile ce qui est habituellement caché (coulisses) et met, avec grande douceur, les considérations de ses interprètes au centre du plateau.
Beware the clown
Retour aux sources enfin avec une fable post-apocalyptique du Munstrum Théâtre, créée en 2018. Pour Clownstrum (19- 21/05), rendez-vous est donné à l’agence DiviaMobilités (Maison du tram) à partir de laquelle une navette vous prendra en charge pour vous mener sur le lieu underground de représentation. Installés à Mulhouse, Louis Arene et Lionel Lingelser nous convient dans la zone, après le chaos. Trois clowns aux faux airs de personnages sortis du May B de Maguy Marin refont société sur les braises du monde d’avant la catastrophe. Le régime qu’ils nous proposent émerge de luttes intestines allant de désirs anarchiques à une monarchie à l’ancienne, en passant par le hasard d’une présidence pas du tout démocratique. L’acidité des relations sociales se pare de l’humour burlesque du cinéma muet dans un rire défiant la morosité et le désespoir. Du Beckett à vif, acerbe et sans fard avec notre époque.
Au Théâtre Dijon Bourgogne, au Consortium, au Théâtre Mansart, à l’Atheneum, à La Minoterie et dans divers jardins et espaces urbains de Dijon du 18 au 28 mai
tdb-cdn.com