Montée en réaction à la guerre en Ukraine, The Rape of Europe donne la parole à l’artiste russe Maxim Kantor, féroce contempteur de Poutine.
Réagissant à l’invasion de l’Ukraine, de nombreuses institutions culturelles bouleversent leur programmation en mettant à l’honneur des artistes du pays. Souhaitant participer à l’élan de solidarité, le Musée national d’Histoire et d’Art se heurte à un double écueil. Ses collections ne per- mettent pas d’organiser une telle exposition et le contexte géopolitique empêche tout emprunt d’œuvres. Pour affirmer son soutien aux victimes du conflit, la structure choisit de collaborer avec Maxim Kantor (né en 1957), connu pour ses positions anti-Poutine. Peinture, dessin, littérature : le Moscovite décline les techniques et les médiums pour dénoncer la « néo-féodalité de la Russie. » Émergeant dans l’underground au début des années 1980, il fonde le groupe de peintres Krasnyj Dom (La Maison rouge), s’imposant en une décennie sur la scène dissidente. Croisant tableaux et esquisses réalisés entre 1992 – année où il quitte définitivement la Russie – et 2022, l’événement luxembourgeois met en lumière un univers artistique nourri par l’engagement idéologique.
Depuis ses débuts, le plasticien joue avec les codes de la satire, sa conception de la beauté étant intimement liée à la dimension éthique et morale de son art. Couleurs criardes, scènes de violence, corps nus et décharnés : son style dérange, crée la confusion, voire le malaise. Ce côté outrancier est assumé et revendiqué : « C’est un cri qui interpelle le spectateur. Je veux qu’il s’interroge, quitte à le choquer profondément », explique- t-il. Son outil de prédilection reste la caricature, dont il use et abuse notamment pour croquer le locataire du Kremlin. En quarante ans de carrière, son esthétique inspirée par le réalisme van goghien a néanmoins évolué, ses productions se peuplant désormais d’animaux et de créatures étranges. Plusieurs réalisations en témoignent, comme Hommage à déconstruction (2010), figurant un corbeau entouré d’une myriade de pâles silhouettes humaines ensanglantées. Spécialement peinte pour l’occasion, The Rape of Europe (2022) confirme le glissement vers le surréalisme avec une composition foisonnante et fantaisiste. Sur le seuil d’une cathédrale dévorée par les flammes, un gobelin arrache de son socle une statue vivante coiffée de serpents, sous les génuflexions de porcs et de rats. « Peindre des visages ne me suffit plus pour traduire la réalité de la nature humaine. Les bêtes permettent de mieux la saisir », résume-t-il. Lorsqu’on lui demande si, à l’instar de La Ferme des animaux d’Orwell, ses spécimens annoncent une révolution à venir, il répond sans ciller : « C’est la seule issue. »
Au MNHA (Luxembourg) jusqu’au 16 octobre
mnha.lu