Sylviane Fortuny de retour avec En attendant le Petit Poucet

En attendant le Petit Poucet, Sylviane Fortuny (Cie Pour ainsi dire) © Michel Cavalca

Inspirée par le conte de Perrault, Sylviane Fortuny recrée pour la seconde fois En attendant le Petit Poucet, explorant un univers aussi enchanteur qu’ancré dans l’actualité.

Tout commence en 1999 : aux côtés de Philippe Dorin, auteur jeunesse et co-fondateur de leur compagnie Pour ainsi dire, Sylviane Fortuny entreprend de revisiter Le Petit Poucet de Perrault. Son compagnon planche sur le texte – publié par la suite à L’École des loisirs –, imaginant l’histoire d’un garçon et d’une petite fille, orphelins, errant sur les routes à la recherche d’un lieu qui pourrait les accueillir… mais finissant, toujours, par en être chassés. Écrite durant les guerres des Balkans (1991-2001), cette triste épopée n’est pas sans rappeler les crises migratoires actuelles, alors même que la pièce a été créée il y a plus de 25 ans. « À l’époque, nous étions une petite compagnie et disposions de peu de moyens », raconte la metteuse en scène. Et d’ajouter : « Nous nous contentions d’utiliser un petit chemin de cailloux et des rideaux pour représenter leur périple. Puis, après plus de 500 représentations et la demande du Conservatoire régional de Toulouse de la reprendre, en 2016, pour en faire un spectacle de fin d’année, on s’est permis d’aller plus loin. »


Pour l’occasion, un troisième personnage apparaît. Combinant le rôle d’un écrivain et d’un musicien, il dépeint les aventures des deux héros en temps réel, comme un narrateur, mais sans jamais parler. On le retrouve dans la version de 2024, commandée par le Théâtre national populaire de Villeurbanne. « L’idée est de voir le spectacle en train de s’écrire », poursuit Sylviane Fortuni. « Les trois protagonistes n’interagissent pas entre eux, mais le narrateur les suit, les regarde, dessine une lune sur un mur noir lorsqu’ils dorment à la belle étoile, ou efface une idée qu’il vient d’avoir avec une éponge mouillée, générant des coulées d’eau qui vont les plonger sous la pluie. » Inspirés par les œuvres de Cy Twombly, les crayonnés dressent un tableau onirique devant lequel passent les interprètes, révélant quelques vers de Ma Bohème d’Arthur Rimbaud, faisant très justement référence à l’errance d’un « Petit-Poucet rêveur ». Si le texte original de Philippe Dorin demeure identique, la deuxième recréation profite du talent de guitariste de son troisième interprète pour lui faire jouer des compositions personnalisées, inventées en collaboration avec l’étudiant toulousain ayant campé le rôle, huit ans plus tôt. Plus l’histoire des deux orphelins se précise dans son esprit, plus la musique s’étoffe. Pour eux qui traversent le monde en espérant trouver un endroit qui les accepte, l’idée qu’ils aient besoin de se fondre dans la masse a poussé l’équipe artistique à repenser les costumes, privilégiant des ensembles aux teintes grises et marrons. « C’est peut-être plus simple pour les faire passer inaperçus », établit la metteuse en scène. Ne pas attirer les regards… mais jusqu’à quand ? « Lorsqu’ils auront écrit leur propre histoire, ils changeront de vêtements », conclut-elle, mystérieuse.


Au Théâtre de la Manufacture (Nancy) du 23 au 25 janvier

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