Sur la route
En 1948, trois géants de la bande dessinée franco-belge partent aux États-Unis pour se faire embaucher chez Disney. Dans Gringos Locos, Olivier Schwartz et Yann narrent l’épopée américaine de Jijé, Morris et Franquin.
Nous sommes en 1948, à Waterloo : trois auteurs de la maison Dupuis décident de tenter leur chance en Amérique et de travailler pour Disney. Il y a là Joseph Gillain (alias Jijé, il avait repris, quelques années plus tôt, Spirou, succédant à Rob-Vel et allait créer des personnages comme Jerry Spring ou Jean Valhardi), André Franquin (qu’on ne présente pas) et Maurice de Bevere (plus connu sous le pseudonyme de Morris). Le premier a débuté une carrière prometteuse, les deux autres sont encore des gamins, des dessinateurs débutants. Ils décident de partir outre-Atlantique, Jijé, inquiet de l’avancée du communisme, les autres ayant simplement envie de tenter l’aventure et de voir du pays. Dans une vieille Ford Hudson brinquebalante, ils sillonnent le désert en famille, car Jijé est parti avec femme et (quatre) enfants. Cette histoire véridique et drolatique est ici racontée par Yann (scénario) et Olivier Schwartz, brillant adepte de la ligne claire à qui l’on doit un des épisodes récents les plus réussis de Spirou, Le Groom vert-de-gris (2009).
De New York, où ils débarquent, à Tijuana, via la Californie et Burbank (où les studios Disney viennent de licencier le tiers de leurs employés), voilà une odyssée potache, où les péripéties s’enchainent avec jubilation, de corridas alcoolisées en dessins croqués sur le vif (Gaston serait-il né au Mexique ?). Gringos Locos n’a aune prétention à l’authenticité… mais les héritiers des héros de cette fresque picaresque ne l’ont pas entendu de cette oreille, jugeant qu’on déformait la vérité. L’album a ainsi bien failli ne jamais voir le jour : après quelques rebondissements, un Avertissement au lecteur stipule donc que le livre est basé sur des faits réels et les souvenirs de certains témoins, mais qu’il n’est « pas pour autant un documentaire scientifique ou un biopic historique ». Un cahier de dix pages en forme de “droit de réponse” des héritiers est également inséré. Nul doute que cette controverse aurait fait éclater de rire nos trois héros qu’on retrouvera pour une suite intitulée Crazy Belgians… Tudjuuu !!!