L’édition 2021 du festival Bien Urbain, producteur d’art dans (et avec) l’espace public, célèbre les dix ans d’un rendez-vous populaire créateur de liens comme de lieux communs. Au sens noble.
S’il n’a pas fallu attendre cette année pour comprendre qu’il se passait quelque chose entre Besançon et Saint-Vit, l’anniversaire de l’événement porté par l’association Juste Ici est l’occasion de revenir sur une aventure débouchant sur 342 œuvres réalisées in situ par 133 artistes de 26 nationalités. L’éphémère n’a rien d’une règle ici, puisque les curieux en manque de ses- sion de rattrapage peuvent cheminer sur des parcours allant au-devant de 105 créations toujours visibles. Cette première décade se veut aussi un moment de prise de recul réunissant l’Université de Franche-Comté et la Fédération de l’Art urbain pour un colloque international et des tables rondes autour des modalités de monstration de l’art urbain aujourd’hui.
Un Doubs projet
Moment phare dans le quartier de Planoise avec La Folie Kilomètre et le graphiste Nicolas Filloque, la seconde semaine du festival se transforme en “Doubs message”. Le collectif d’artistes issus du spectacle vivant, des arts visuels et de l’aménagement du territoire basé à Marseille, a dû renoncer, covid-19 oblige, à la création d’une déambulation artistique participative avec les habitants. Leur proposition se transforme en stands où chacun peut venir composer des pochettes graphiques dans lesquelles confectionner affiches, badges et autres, emballées dans des cornets sérigraphiés. Des livreurs à vélo se chargeront de les acheminer vers le destinataire choisi, tel un mot Doubs. Dans le même temps, sera inaugurée une grande peinture murale sur le thème du racisme, recouvrant le Club Sauvegarde de Besançon fondé par l’ancien champion de karaté Fodé Ndao. Une collaboration née dans le cadre du projet franco-américain FAMA (French American Mural Artists) qui a sélectionné quatre porteurs de projets hexagonaux. Bien Urbain a ainsi convié la bordelaise Rouge, passée par les Arts-Visuels à l’Université de Strasbourg avant d’intégrer les Beaux-Arts de Bordeaux où elle travaille la performance, tournant autour de l’appropriation de lieux, des précarités urbaines et du féminisme. Sa figuration narrative, dont les drapés et le travail de la peau dans les portraits ne sont pas sans rappeler ceux de Huyro* ou Morik, se joindra à celle, non moins saisissante dans ses nuances de gris, de l’américain Reginald O’Neal, alias L.E.OTHER. Deux peintres à la sensibilité vive pour un projet à quatre mains.
Graffuturisme
Le dernier temps fort d’une programmation foisonnante (25 artistes présents dans toute la ville) se tiendra au parc de l’ancienne usine de la Rhodiacéta aux Prés-de-Vaux (19 & 20/06) avec le festival Du bitume et des plumes. Terrains de jeu privilégié pour ateliers graphiques, peintures et concerts, cette friche industrielle réhabilitée, chargée d’histoire ouvrière, voisine avec l’actuelle Friche artistique de Besançon occupée par une quinzaine de compagnies et associations culturelles. Nelio, artiste franc-comtois régulièrement invité à Bien Urbain, s’empare de toute la façade du bâtiment, côté route, avec ses formes géométriques entrelacées et superposées en aplats de couleurs. Après deux tunnels pour piétons en 2019, il pourra déployer son esthétique proche du Constructivisme ou du Suprématisme sur un linéaire impressionnant. Son art du volume s’allie à une liberté de composition des formes maîtrisée, dans un amour immodéré pour les traces du passage du temps sur un lieu. Le contraste entre ses figures abstraites oblongues et la rectitude des murs invite à la contemplation. De quoi relancer le débat sur le graffuturisme et le renouveau d’un genre aussi inventif sur toile que dans la rue.
Dans les rues de Besançon, du 3 au 20 juin
bien-urbain.fr
Exposer aujourd’hui : l’art urbain, colloque international, tables rondes et guinguette, au CDN Besançon Franche-Comté (03-06/06, sur inscription) ou à suivre en direct sur la chaine YouTube de la Fédération de l’Art urbain
federationdelarturbain.org
* Voir l’article que nous avions consacré à cette habituée du festival dans Poly n°121 ou sur poly.fr