Malik Djoudi ne pourra plus longtemps échapper aux feux de la rampe : épaulé par le FAIR1, il s’apprête à une grande tournée hexagonale, un second album introspectif sous le bras. Coup de projo sur un chanteur adoubé par Daho souhaitant Épouser la nuit.
Seul dans une salle sombre baignée d’une lumière azur et le visage à contre-jour, Malik Djoudi est Au cinéma. Il regarde et vit une tragédie américaine, passant de l’autre côté du miroir, du grand écran. Dans ce clip, une blonde hitchcockienne (interprétée par Cécile de France), tente de fuir quelqu’un (ou quelque chose) qui la traque, esquivant les spots lights qui la chassent. Pourquoi a-t-elle la mort aux trousses ? Mystère… Le premier disque de Malik n’a curieusement pas connu la mise en lumière qu’il méritait. Son second long format, Tempéraments, devrait réparer cette injustice : un profond et Essentiel album de pop synthétique, ayant un goût de miel mais inhalant de Belles sueurs, avec des mots bleus et de la Folie douce. Il s’est entouré d’Ash Workman, ingé’ son de Metronomy, ou encore d’Amaury Ranger de Frànçois and the Atlas Mountains, conseiller artistique de luxe. Il y a aussi un duo, avec un de ses héros. Qui est À tes côtés, Malik ? Etienne Daho. Ils chantent à l’unisson, se confiant l’un à l’autre « en stéréo » sur une ritournelle électronique qui scelle une amitié quasi « organique ».
Nous soumettons une liste, sorte d’arbre généalogique d’hypothétiques parents – outre l’homme Tombé pour la France – qui auraient artistiquement pu engendrer Djoudi : l’androgynie vocale de Prince, Kim Wild dont il reprend Cambodia en live, Christophe pour sa beauté bizarre et bien sûr Suicide et ses Rockets électroniques. Il acquiesce mais précise : « Il faudrait ajouter Gainsbourg, James Blake, Blonde Redhead – le groupe qui m’a donné envie de faire de la musique –, Connan Mockasin et Sébastien Tellier. Christophe, je l’ai découvert assez tardivement, à force que l’on me parle de lui. Prince ? C’est la première fois qu’on me compare à lui et je trouve que c’est tout à fait justifié… même si j’ai essentiellement écouté Michael Jackson étant plus jeune. »
Banco !
Auteur de BO, metteur en son de spots TV, performer pour le chorégraphe Pierre Rigal (on a notamment pu le voir chanter et se mouvoir sur le plateau de Micro), membre de divers bandes rock, Malik n’a peur de rien, « à part du vide », et se lance tardivement en solo avec Un premier album, comprenant le mini hit Sous garantie, remarqué et compilé par les défricheurs de pop made in France de La Souterraine. Benjamin Caschera, co-fondateur de la plateforme musicale, se souvient d’un gaillard « venu chez nous après avoir présenté son premier album à pas mal de labels qui l’ont snobé. J’ai écouté Sous garantie et j’ai direct dit “banco” ! Cette chanson, qui ouvre la compilation numérique Sainte Pop 2, est probablement l’un des plus gros succès, pour ne pas dire tube, qu’on ait hébergé. Malik a trouvé sa propre voie, entre variété et électronique underground. »
Ses chansons synthétiques, jazzesques par instants (Dis-moi qu’t’y penses) ont un sacré Tempérament, invoquant le clair-obscur pictural en vogue au XVIIe siècle ou le pré-impressionnisme brumeux de Turner. « Ses toiles me procurent une émotion que j’aimerais pouvoir retranscrire musicalement. Mes morceaux sont des assemblages de couleurs », plutôt dans un camaïeu bleuté. « Ils ne racontent rien de précis », mais s’adressent à chacun, plongeant la tête de l’auditeur dans les profondeurs spleeniques, puis le remontant vers l’aveuglante clarté de la surface sur un beat clubesque. Fan de cinéma (de Fenêtre sur cour à Moonlight), Malik use volontiers d’un vocabulaire issu du septième Art, évoquant le contre-jour et le hors-cadre : rien n’est frontal chez lui, tout est pudeur. Il ne se considère pas comme un maître du suspens, mais sait faire monter la tension, en se laissant mener par ses propres compos, nageant « entre les ballades et le rythme ». Musicien autodidacte, il ne connaît pas les notes, galère avec les suites d’accords, mais sait parfaitement comment faire « grincer les harmonies » et naviguer en eaux troubles.
1 Dispositif de soutien au démarrage de carrière et de professionnalisation en musiques actuelles, le FAIR, qui fête ses 30 ans, a aidé des artistes comme NTM, Wax Tailor, Moriarty, Christine and the Queens, La Femme ou Feu! Chatterton à mettre un pied à l’étrier – lefair.org
2 « Onze enregistrements tout aussi synthétiques qu’authentiques qui dépassent et métissent la synthpop. » À écouter sur souterraine.biz
À La Laiterie (Strasbourg), vendredi 29 mars dans le cadre du festival FAIR : le tour (avec Catastrophe)
Au Moloco (Audincourt), samedi 30 mars dans le cadre du festival FAIR : le tour (avec Radio Elvis) lemoloco.com
À L’Autre Canal (Nancy), jeudi 4 avril
À la salle Jeanne d’Arc (Verdun), samedi 13 avril