Avec ce second tome du diptyque consacré à La Mort de Staline, la guerre des prétendant fait rage. Il faut trouver un successeur au petit père des peuples : un bal des egos, où tous les coups (bas) sont permis, se déploie devant nos regards médusés. Un des indispensables de l’été.
Fabien Nury (scénario) et Thierry Robin (dessin) sont de retour pour « une fiction, librement construite d’après une documentation parcellaire, parfois partiale, souvent contradictoire » (extrait de l’Avertissement qui figure en tête de l’ouvrage). Entre Histoire avec un grand “H” et fiction, la BD, très solidement documentée, trouve un juste chemin… sans doute pas tant éloigné de la réalité que cela. La mort de Staline, le 5 mars 1953 – le même jour que la disparition de Prokofiev qui, du coup, passera complètement inaperçue en URSS – fut le point de départ d’une foire d’empoigne pour sa succession où tous les coups, surtout les plus minables, étaient permis. C’est dans cette atmosphère de paranoïa aiguë que nous sommes emportés : arrestations arbitraires, exécutions sommaires (celle d’une foule désarmée de civils venue assister au funérailles, par exemple) et stratégies politiques à cinq bandes sont de mise.
Voilà une inquiétante galerie de personnages campée avec brio par le trait expressionniste de Thierry Robin qui accroit l’impression de malaise et d’étouffement : le roué Nikita Khrouchtchev, Lavrenti Beria chef des services secrets tout-puissant (ou qui imagine l’être), Gueorgui Malenkov qui a cru réussir, Vassili Djougachvili, le fils alcoolique de l’ancien maître du Kremlin… Ils sont tous là, ballotés par un système totalitaire terrifiant et absurde où chacun, au sein du Politburo, pense être en mesure de tirer les ficelles. Entre huis clos oppressant et grand guignol grandiose des scènes de foules éplorées, la comédie mortifère en rouge, kaki et noir – les trois teintes qui irriguent l’album – suit son cours impitoyable. Ubu roi est mort, mais ses successeurs sont ses dignes continuateurs.
