Quand le créateur des Trois Brigands s’intéresse aux heures, minutes, secondes, cela donne Time is Tomi, une exposition existentielle donnant à réfléchir sur le temps qui passe.
Si le temps tient une place à part chez Tomi Ungerer (1931-2019), c’est sans doute parce qu’il appartint à une dynastie d’horlogers œuvrant de 1858 à 1989. Dans cette exposition est présentée l’histoire de la fabrique dont les fondateurs travaillèrent aux côtés de Jean-Baptiste Schwilgué à la restauration de l’Horloge astronomique de Notre- Dame de Strasbourg au XIXe siècle, avant de racheter son entreprise et de perpétuer un savoir-faire ancestral. Dessins préparatoires au chef-d’œuvre de précision installé dans la Cathédrale de Messine (1933), machine servant à tailler les roues dentées, photographies des aiguilles colossales construites pour la flèche de l’Église Saint-Michel de Hambourg ou du magasin de pièces détachées, etc. : tout un monde oublié est ressuscité, entrant en résonance avec un bel ensemble de compositions signées Tomi Ungerer dont les mécanismes intellectuels qu’il met à l’œuvre dans ses satires sont aussi délicats et bien huilés que ceux d’une pendule. Il est vrai que sabliers, coucous, montres à gousset et autres avatars horlogers sont des motifs récurrents chez lui.
Chez Tomi, les mécaniques de précision sont souvent présents : il utilise, par exemple, les engrenages pour brocarder l’automatisation et la déshumanisation de la société. Dans sa série Fornicon, il imagine également de complexes machines, meule pourvue de multiples langues pour léchage permanent de testicules ou dispositif abracadabrantesque visant à atteindre l’orgasme à grands coups de courroies, pistons ou métronomes… Le corpus de l’auteur de Jean de la Lune est aussi lié au temps qu’il fait le plus souvent entrer en résonance avec la mort, comme dans l’ironique Guess who ?, élégant Memento mori contemporain où une allégorie encapuchonnée du trépas, debout derrière un homme assis, en train de lire, pose ses doigts d’os sur ses yeux. Sont aussi accrochées de saisissantes danses macabres à l’image de Rapt (issu de la série Rigor Mortis), version datant du début des années 1980 d’une toile comme La Jeune Fille et la Mort de Hans Baldung Grien. Eros et Thanatos. Une femme charnue, presque nue, chaussée de stilettos valse langoureusement avec un squelette. Cette dernière figure symbolique est bien représentée dans l’exposition. Pensons à un très bel autoportrait réaliste de 1975 où l’artiste se met en scène de manière saisissante au crayon gras, donnant l’impression qu’il se confronte frontalement à la faucheuse à qui il montre un dessin, un sourire narquois aux lèvres.
Au Musée du Temps (Besançon), jusqu’au 20 septembre
mdt.besancon.fr