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Intendant du Festspielhaus depuis 1998, Andreas Mölich-Zebhauser a installé l’institution de Baden-Baden, financée par des fonds privés, au panthéon de l’opéra et du répertoire symphonique. Retour sur une trajectoire musicale.
Le pianiste Maurizio Pollini, la violoniste Julia Fischer, le chef Sir Simon Rattle, la chanteuse Cecilia Bartoli, le ballet du Mariinsky… Chaque saison du Festspielhaus rassemble des étoiles scintillantes. L’artisan de ce miracle ? Il se nomme Andreas Mölich-Zebhauser, à la tête de la maison depuis 1998. Né en 1952, la musique est une évidence dès l’enfance pour lui : avec une mère soprano, appartenant à la troupe de l’Opéra de Gelsenkirchen, et un père chef d’orchestre et pianiste, comment pouvait-il en être autrement ? À son arrivée à Baden-Baden, la situation n’est guère brillante : la structure de 2 500 places (ce qui en fait le deuxième opéra d’Europe en taille, juste derrière Bastille) inaugurée quelques mois plus tôt, mais déjà minée par des conflits internes, affiche un déficit de 10 millions de marks en moins d’une saison. « Dans le projet initial, un taux de remplissage irréaliste de 90% était prévu, alors qu’il n’a pas excédé un cinquième », explique AMZ appelé à la rescousse.
Less is more L’homme avait fait ses preuves à l’Ensemble Modern dont il avait pris les rênes en 1991, après avoir gravi tous les échelons chez l’éditeur musical Ricordi. L’orchestre était alors en pleine déconfiture : « À cette époque, la musique contemporaine était sous une cloche de verre. Je crois que personne ne souhaitait réellement élargir son public, on voulait les “vrais amateurs”. C’était une vision très académique. » À Francfort, il casse les frontières, ouvrant largement les portes et multipliant les projets transversaux, comme Yellow shark avec Frank Zappa ou un film de Bill Viola sur Déserts de Varèse. Et cela fonctionne, mais lui coûte la direction de l’Alte Oper de la cité, à laquelle il avait postulé, considérant sa mission à la tête de l’Ensemble Modern achevée. Son étiquette “musique contemporaine” faisait peur… Quelques mois plus tard, il reçoit une proposition de Baden-Baden où il décide immédiatement « de donner moins de concerts – pas plus de cent par an – et de privilégier le très haut niveau. Deux artistes, la violoniste Anne-Sophie Mutter et le chef Valery Gergiev, ont de suite adoré la salle, son atmosphère et son acoustique merveilleuse. Cela a été une chance pour nous, créant un important effet d’entraînement ». Autour de ces deux figures tutélaires s’est bâtie une “famille” composée de musiciens qui ont leurs habitudes dans la ville d’eaux, comme les Berliner Philharmoniker, en résidence à Pâques depuis deux saisons, un des plus beaux succès d’Andreas Mölich-Zebhauser qui a réussi à les faire quitter Salzbourg où ils officiaient depuis 1967 !
Diamant, rubis, saphir… L’autre originalité du Festspielhaus c’est son financement privé (même si le bâtiment appartient à la ville et au Land) : son budget – « équilibré chaque année », précise AMZ – d’environ 25 millions d’euros résulte principalement de la vente des billets (60%) et du mécénat (35%). Un ovni dans le paysage musical, un puzzle dont chaque pièce est essentielle, des “amis” (plus de 1 500, donnant chacun environ 500 euros annuellement) aux membres de la Fondation, sans oublier les mécènes (répartis en différente catégories : un “diamant” contribuant, par exemple, à hauteur de 100 000 euros). « Notre public est une véritable famille, un organisme vivant » affirme le directeur qui souhaite multiplier les initiatives pour élargir le cercle, du très dynamique et innovant Toccarion estiné au jeune public à la volonté de proposer aux enfants des places à 10 € pour chaque concert. Tous les financeurs contribuent à rendre possible une programmation exceptionnelle répartie sur quatre périodes : « Dans l’avenir, nous souhaitons proposer une nouvelle production lyrique au cours de chacune d’elles », affirme un intendant « opposé à une vision hyper intellectuelle de l’opéra. Chaque mise en scène ne doit pas forcément donner un point de vue nouveau sur une œuvre d’hier. Ce qui m’intéresse, c’est l’émotion, les voix. Je réfléchis toujours d’abord aux chanteurs, le metteur en scène vient ensuite. » Voilà un credo rafraîchissant dont certains feraient bien de s’inspirer…
Reste-t-il encore des rêves dans la tête d’Andreas Mölich-Zebhauser qui vient d’être reconduit à la tête du Festspielhaus jusqu’en 2019 ? La réponse fuse : « Faire un Ring dirigé par Christian Thielemann. Nous avons déjà essayé deux fois, mais ca n’a pas fonctionné. » Et ses yeux clignotent de bonheur à cette réjouissante pensée. Le même regard qu’il avait sans doute, lorsque, tout petit, il incarnait le rôle du fils de Pinkerton et de l’héroïne – chantée par sa mère – dans Madama Butterfly de Puccini ou, dans Wozzeck de Berg, celui de l’enfant de Marie, interprétée par la mythique Marilyn Horne. Les étoiles, déjà…
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