Stairway to heaven
Avec son merveilleux escalier, l’intérieur de la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg (BNU) a été complètement remodelé par l’Agence Nicolas Michelin et Associés redonnant lustre et majesté à l’édifice. Entre retour aux origines et modernité absolue, visite, avant réouverture, courant novembre.
De l’extérieur, le réaménagement passe presque inaperçu, à peine devine-t-on la “BNU nouvelle” par les fenêtres. L’altière monumentalité du bâtiment de 1895 imaginé par August Hartel et Skjold Neckelmann dans le style néo-renaissance italienne a été préservée, statues et médaillons des façades (classées) connaissant simplement une nouvelle jeunesse. Derrière, c’est une autre affaire… Après un chantier entamé en 2010 qui a coûté quelque 61 millions d’euros, il ne reste quasiment rien – quelques hauts-reliefs vaguement cubistes désormais positionnés au dessus des portes d’entrée, côté intérieur – de la terne restructuration fonctionnaliste des années 1950 qui avait anéanti les décors et l’ordonnancement wilhelminiens. Juste retour des choses…
BNU / IN Lorsqu’il a découvert le bâtiment, l’architecte Nicolas Michelin a immédiatement été séduit par la coupole : constatant que la précédente rénovation l’avait totalement occultée, il a décidé « de la remettre en valeur, comme à l’époque allemande. Nous avons en quelque sorte respecté le plan originel, ce carré évidé magnifique autour duquel s’organisaient les espaces de lecture », explique-t-il. Deuxième élément essentiel : un immense escalier ultra contemporain en spirale tenu en partie par de gigantesques haubans qui opèrent un glissement délicat, du cercle de l’enroulement des marches au carré de la coupole. Cette prouesse technique, œuvre de l’entreprise Schaffner, semble aspirer le visiteur vers les surfaces vitrées sommitales. Un tel cône de lumière permet de distribuer les espaces de travail (750 places avec 150 000 ouvrages en libre accès contre 660 et 35 000 auparavant) autour de l’atrium central, tandis que sous l’escalier sont lovés un auditorium et, autour de lui, en U, une salle d’exposition sur deux niveaux de 500 m2 largement visible. C’est cette « fluidité et ce décloisonnement » qui ont notamment séduit l’administrateur de la BNU, Albert Poirot, en poste depuis 2006 : « Si notre mission première demeure évidemment de favoriser l’accès aux documents, la bibliothèque doit aussi être un lieu de rencontre et d’échanges, largement ouvert sur la ville, une véritable passerelle. » Respectueuse de l’esprit de la Bibliothèque des origines, cette rénovation possède un caractère monumental, « mais un monumental poétique », précise l’architecte qui « déteste l’ostentatoire, cet ”effet wahou” aujourd’hui si répandu ». Dernier clin d’œil à l’époque allemande, l’agrandissement d’anciennes gravures représentant des ornements de façade évoquent l’ordonnancement mathématique de gigantesques pixels : ils sont installés dans l’escalier d’entrée, austère sas qui mène de manière initiatique aux premiers degrés de la vertigineuse spirale.
BNU / OFF Les espaces de travail ne sont néanmoins que la partie émergée de l’iceberg. En effet, si la BNU a été restructurée, c’était principalement pour sécuriser les planchers des salles de stockage et accroitre leur surface qui atteint désormais 30 000 m2 avec des conditions de conservation (marquées par des options énergétiques respectueuses de l’environnement comme l’utilisation de la géothermie) et une sécurité optimales. Mission accomplie pour Albert Poirot qui pourra quitter ses fonctions le cœur léger fin 2015, laissant à son successeur un bel outil « prêt à relever les multiples défis de l’avenir ». Deux étages de magasins – visitables occasionnellement par le public – ont néanmoins été sauvegardés : « Ce sont des témoins », explique Nicolas Michelin, « la seule partie de la Bibliothèque originelle qui avait survécu dans les années 1950 avec sa “voûte prussienne”, ses colonnes de fonte et ses étagères Lipman ». Produites à Strasbourg, elles étaient parties à la conquête de l’Europe au début du XXe siècle. Pour faire bonne mesure, on a également préservé un plateau fifties avec des étagères Strafor. La BNU du XXIe siècle n’a pas perdu sa mémoire…
6 place de la République à Strasbourg
03 88 25 28 00 – www.bnu.fr
L’exposition, 1914, la mort des poètes débutera lors de l’inauguration de la BNU pour s’achever le 1er février 2015