Sin city
En mettant en scène Un Bal masqué de Verdi, le directeur de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole, Paul-Émile Fourny a choisi de plonger dans les méandres d’un monde où politique et amour s’entrecroisent impitoyablement… jusqu’à la mort.
Un univers sombre. Des taches de couleur apparaissent parfois en fond de scène. Jaunes. Oranges. Rouges. Surtout rouges. Dans sa vision d’Un Bal masqué, Paul-Émile Fourny a choisi de s’inspirer librement de Sin City, bande dessinée ultra dark de Frank Miller (adaptée au cinéma dans la même tonalité par Robert Rodriguez). Pour lui, l’opéra de Verdi est profondément politique. « Il est la photographie d’une société de pouvoir, de malversations, de corruptions, de trahisons on ne peut plus contemporaine », même si l’action narre l’assassinat de Riccardo, gouverneur de Boston. C’est celui de Gustave III de Suède avait inspiré Verdi, mais pour échapper à la censure – il n’était pas bon de montrer le meurtre d’un roi sur scène dans les années 1850 – il avait du maquiller l’histoire en la transposant. Reste que cette affaire d’amour et de mort est intemporelle : elle se déroule ici dans une période indéterminée évoquant les années 1950 / 1960. Riccardo (incarné par le ténor Jean-François Borras, un des plus grands chanteurs français actuels qui fait le bonheur du Met’ ou de l’Opéra de Vienne) est le président d’un pays qui n’est jamais nommé. On pense souvent aux États-Unis, surtout lorsqu’un homme ouvre un parapluie juste avant que le souverain ne soit abattu, clin d’œil à un personnage mystérieux qui alimenta bien des fantasmes, debout au bord de la route de Dallas où passait JFK, un certain 22 novembre 1963. Autre référence assumée made in USA, le film de Kubrick, Eyes wide shut…
Le décor est simple, structuré par des claustras créant un effet d’ombres chinoises et permettant de générer des volumes palatiaux : « Nous voulions un spectacle léger, fluide et lisible comme une bande dessinée ou un film. Si nous avions encombré le plateau d’un décor imposant avec des demeures pleines de stuc et d’or et d’immenses colonnes, le regard se serait perdu, alors que je souhaite mettre le jeu des artistes au centre du plateau. Malgré l’image qu’on en a souvent, Verdi est en effet un compositeur très intimiste », explique Paul-Émile Fourny. Voilà le cœur du propos du metteur en scène : la solitude du pouvoir et la violence de l’amour éprouvé par Renato, le directeur de cabinet de Riccardo, pour l’épouse de son chef, qui l’entraînera à commettre l’irréparable.
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