Si tu disais
Comme nous, Françoiz Breut fête ses 20 ans ! En 1997, elle sortait son premier album éponyme, un portrait au Polaroid en guise de couv’. La chanteuse (et dessinatrice) n’a pas changé, même s’il s’en est forcément passées, des choses, en deux décennies. Souvenirs, souvenirs…
Un souvenir de jeunesse ?
Je me souviens de moments idylliques, en compagnie de mes parents, après de délicieuses saucisses grillées sur un petit feu de bois au bord de la dune, de la pêche aux coques sur une plage sans fin, sans personne, de longues heures à chercher ces petits yeux noirs cachés dans le sable.
de colère noire ?
Je n’ai plus vraiment de colère, mais je ressens plus de la révolte, de la rage face aux propos racistes du Secrétaire d’État à l’immigration en Belgique, Théo Francken, qui devrait accueillir les migrants en leur offrant une médaille de courage pour avoir parcouru les mers et quitté ce qu’ils ont de plus cher plutôt que de les chasser d’un endroit à un autre.
de premier bonheur ?
Je préfère me souvenir du morceau de Françoise Hardy que j’ai repris en 2005, Le premier bonheur du jour : je viens d’écouter plusieurs versions sur YouTube et celle du groupe brésilien des sixties Os Mutantes reste ma préférée. Je vais me faire des ennemis, mais bizarrement, je n’ai jamais été fan de Françoise Hardy.
de ravins à contourner ?
Sur mon chemin, je dois éviter les bonimenteurs, les lunatiques et les rabat-joies.
d’ennemis invisibles ?
Fukushima a mis en évidence les failles du nucléaire. Depuis les études faites sur l’état des centrales, on n’est guère rassurés. Je pense surtout à ma famille habitant à proximité d’une centrale et d’une usine de retraitement de déchets. J’imagine les catastrophes possibles si un réacteur avait la malchance d’être endommagé. On y pense puis on oublie, jusqu’à ce que…
de nébuleux bonhommes rencontrés ?
Entre tous les nébuleux bonhommes dont je tairai le nom, je me souviens particulièrement d’un curieux personnage mi-magicien, mi-vampire, cultivant un certain mystère, un homme doué pour faire avaler des couleuvres, un homme que je ne souhaiterais plus jamais rencontrer.
de moments à l’unisson ?
La tournée de La Chirurgie des sentiments, en 2013, me rend parfois nostalgique, plus particulièrement une série de dates en Allemagne et en Suisse, en été, où nous avons été accueillis comme des rois : nos voyages entre les villes étaient entrecoupés de baignades dans les lacs et les fontaines. Cette tournée avec mes amis musiciens reste la meilleure à ce jour. Dans ces moments, on se dit qu’on a de la chance de faire ce métier et on est récompensés d’avoir passés tout un hiver à répéter dans une cave humide.
de gens qui vous manquent ?
Ma grand-mère paternelle : elle était la quiétude même, d’une patience infinie et d’une gentillesse remarquable. Ce n’était pas dans les mots, mais dans les échanges d’amour, les jeux de petits chevaux entre deux reprises de chaussettes, les petits plats mitonnés sur fond de Chiffres et les lettres.
d’une espèce en voie de disparition ?
Je suis embarquée dans une future exposition nommée Rock fossils sur les espèces en voie de disparition. C’est l’idée d’un ami luxembourgeois qui travaille au Musée d’Histoire naturelle : le concept est d’exposer des pièces fossiles dédiées à des musiciens, John Coltrane, Cannibal Corpse, AC/DC… Ma chanson Deep Sea diver sera accompagnée d’une Bélemnite, un tout petit céphalopode, bestiole qui n’excédait pas 5 cm de son vivant. On l’appellera Coeloteuthis francoizbreutae.
d’instants tranquilles et décomplexés ?
L’année passée, j’ai fait un voyage à vélo de 600 km de Bruxelles à La Haye avec mon amoureux, en prenant les chemins de traverse, les champs de tulipes, de cerisiers ou de pruniers, par 35°C. J’ai traversé des coins très sauvages : la Hollande n’est pas que platitude et champs rectilignes, il y a aussi des courbes, des fleuves sinueux et des havres de paix.
qui s’efface ?
J’essaye de me souvenir de tous les lieux de concert où je suis passée, des années, des salles, des groupes en première partie… mais je n’y parviens pas. J’ai pourtant la mémoire des visages et progresse en géographie, grâce aux tournées.
Oliver et la fille oubliette, pièce jeune public de Julie Rey, avec Françoiz Breut (accompagnée d’un livre / CD avec des chansons et illustrations de Françoiz Breut), du 14 au 16 février à L’Atheneum de Dijon, à l’occasion du festival À Pas contés