Si loin, si proche

© Jean-Marc Gourdon

Invitée d’honneur de la 28e Foire du livre de Saint-Louis, l’écrivaine en exil Zoé Valdés publie simultanément un roman aux sources autobiographiques, Le Paradis du néant.

« Elle avait fui de Cette Île : une île qui a voulu construire le Paradis et a créé l’Enfer. » Comme je l’imagine, Zoé Valdés – renommée Yocandra dans ce roman – remplir de son écriture répétitive un carnet avec cette phrase, dans les premiers temps de son exil de Cuba, via Miami, direction Paris. Suite logique et intime du Néant quotidien (Actes Sud, 1995) dans lequel elle décrivait les dégâts de la pesanteur du régime castriste, Le Paradis du néant offre un retour romancé sur la douleur et la vitalité de ses quinze dernières années loin des frères Fidel et Raúl.

Comme je l’imagine, Zoé, seule dans la fraîcheur hexagonale, jetant fiévreusement sur des cahiers à spirale les flots d’un quotidien hanté de fantômes laissés derrière soi, happé par le flou d’un avenir à réinventer, agité par ces « cubains nouvelle génération de Miami et leur merde castriste ». Tout est là. La « balsera » bravant la mort en bateau, la reproduction des comités dans la communauté cubaine exilée, l’avion qui l’amène dans cette France qu’elle a connue lorsqu’elle travaillait pour l’Unesco de 1983 à 1988. Le chagrin et la pitié, la colère et l’angoisse jusque dans la chaleur du vieil immeuble du Marais où elle réside, rempli d’artistes exilés comme elle. Cour sans miracles, mais non moins incroyable qui se substitue à La Vieille Havane de son cœur.

Comme je l’imagine, se saisir de cette matière première douloureuse en composant un roman haletant, prenant et fortement critique. Nul n’y est épargné. Surtout pas l’auteure, ses illusions perdues et ses inquiétudes, sa sensibilité gangrenée d’absences… et l’humour de la composition de la galerie de personnages de son quotidien : la Pustule cubaine (travesti fourbe et insaisissable), le trouble Fidel Raúl (dragueur cubain invétéré), les Norvégiens écolos jusqu’auboutistes, le Nihiliste (son grand amour, résistant de l’intérieur à Cuba), le Gravos (indic’ cubain baveux à souhait), Migdalia (voyante Yoruba)… et la Ida, la mère de Zoé qu’elle réussit à faire sortir et qui mourra libre, enterrée au Père Lachaise, non loin de Colette et Gérard de Nerval. En filigrane, l’amour de Paris comme « une rumba, pas une fête » et la haine viscérale des anciens contestataires du régime ayant garni “l’exil de velours” dans les années 1980 qui gardent – au mieux – la bouche cousue pour mieux revenir sur l’île jouer les riches.

Comme je l’imagine, déclarant il y a quelques années : « La littérature est douleur, inquiétude, séparation… mais elle donne aussi le plaisir de ne pas oublier. » Finalement, Juan Rulfo a raison : « La littérature est presque toujours mensonge. » Presque seulement.

À Saint-Louis, place Gissy, la 28e Foire du livre, du 6 au 8 mai
www.foirelivre.com
À paraître, le 4 mai : Zoé Valdés, Le Paradis du Néant, Éditions JC Lattès www.editions-jclattes.fr

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