Si loin si proche

© Jean-Louis Fernandez

Créé pour le Festival d’Avignon 2016, Le Radeau de la Méduse réunit les élèves du groupe 42 de l’École du TNS et Thomas Jolly. Une histoire d’exode en pleine guerre, une dose d’utopie et de dégâts religieux.

Le Théâtre national de Strasbourg ne fait décidément rien comme les autres, ni comme avant. Le traditionnel spectacle de “sortie” des élèves arrivant au bout de leur troisième année de formation à l’École devient, sous l’impulsion de Stanislas Nordey, une véritable pièce destinée à tourner. Ainsi en fut-il l’an passé pour le groupe 42 qui eut la chance de travailler avec Thomas Jolly, l’un des six metteurs en scène associés de la maison, décidé à proposer « une entrée dans le métier, tout à fait concrète. Ma compagnie, La Piccola Familia, porte cette production comme n’importe quel autre de nos spectacles, organisant tournée et reprise. » Toutes sections confondues et mises à contribution (jeu, mise en scène-dramaturgie, régie-création, scénographie-costumes), il se sont lancés à l’abordage d’un radeau de treize enfants, perdu en mer suite au torpillage du paquebot qui devait les mener aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le Radeau de la Méduse de Georg Kaiser évoque l’exode des populations en situation de conflit, une dose d’utopie pour réinventer les choses et les dégâts des carcans religieux du christianisme sur les rapports entre les hommes. Sur scène, un canot de 6 mètres lévite au-dessus d’une immense toile peinte (défi technique et esthétique), une mer de ciel nuageux rétro-éclairée permettant jeux de lumière et apparitions de phytoplanctons empruntés à L’Odyssée de Pi. Mais aussi un thermos jeté à la mer, des cantiques a capella (dont une merveille de Britten), un mariage, des joutes théologiques autour de la Cène, au moins un sacrifice, un mitraillage et du brouillard, beaucoup de brouillard, « représentation divine fonctionnant comme un 14e personnage » pour le metteur en scène. Écrite quelques années avant Sa Majesté des Mouches, cette pièce chorale en contient la même sauvagerie et cruauté, inhérente à l’être humain.

 

Photo de Jean-Louis Fernandez

 À l’Espace Grüber (Strasbourg), du 1er au 11 juin

tns.fr

À L’Odéon-Théâtre de l’Europe (Paris), du 15 au 30 juin

theatre-odeon.eu

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