Shake shake shake
Les Scènes du Nord Alsace mettent à plat les clichés, démontent rythmes et écritures scéniques avec six spectacles détonants et innovants programmés au festival Décalages.
Trois ruptures (Espace Rohan, Saverne, 17/01) se succèdent sous les yeux d’un public placé en véritable voyeur. Isolés dans un vivarium aseptisé à taille humaine, les trois couples incarnés par Johanna Nizard et Pierre-Alain Chapuis équipés de micros HF, se déchirent sous nos regards indiscrets. Une femme quitte son mari parce qu’elle ne supporte plus la présence de sa chienne, Diva. Un homme avoue à son épouse entretenir une relation avec un pompier rencontré à la salle de sport. Enfin, un couple vrille à cause de leur enfant tyrannique qui les terrorise et finit aussi par rompre. Ciselé et piquant, le texte de Rémi de Vos joue avec les rythmes et ses ruptures jusqu’à écouter le silence de « la solitude des corps » devant la séparation. Avec Ork (La Nef, Wissembourg, 21/01), une nouvelle confrontation est de mise : un électrochoc entre deux mondes, celui du rock et de l’instrumental pour Samuel Klein et celui de la musique répétitive pour Olivier Maurel. Les deux musiciens, face à face, sont littéralement câblés, entrelacés par des fils électriques et encerclés par des néons posés au sol. L’electro, le jazz et le rock fusionnent en live à l’intérieur de cette machinerie sur laquelle les compositeurs se bouclent et interagissent. Tantôt grinçantes, parfois douces, les chansons aux rythmiques puissantes nous percutent dans ce set inattendu. Le rock est aussi essentiel dans Elle(s) (Théâtre de Haguenau, 24/01, en photo), pièce signée Sylvie Landuyt, prix de la meilleure auteure aux récompenses de la critique en Belgique. Elle écrit et met en scène l’histoire d’une petite fille en manque d’une figure maternelle stable, la sienne étant écrasée par la domination masculine. La jeune enfant, interprétée par Jessica Fanhan, comble le vide en s’inventant un monde fait de ses propres mots. Elle s’imagine et joue des femmes, de l’actrice porno à la cadre sup’ et fait tomber les stéréotypes. Burlesque et comique, des chaussures à talons sont servies à table pendant que des gros plans filmés de la mère grimaçante défilent en fond de scène. La guitare électrique de Ruggero Catania accompagne les hystéries et moments de joies de ces deux personnages fantasques et décalées qui ne demandent finalement que d’être aimées en paix !
Par Fiona Bellime
Photo d’Alice Piemme
> Et aussi, dans le cadre du festival : Hamlet en 30 minutes (MAC de Bischwiller, 12/01), La Mate (La Castine, Reichshoffen, 14/01), Don Quixote – Hack and Love à (La Saline, Soultz-Sous-Forêts, 20/01) > Ork à voir à l’Abbaye de Neumünster (Luxembourg), 24/01, au Local Achtung Le Willerhof (Fislis), 27/01, à la Médiathèque Tomi Ungerer (Vendenheim), 28/01 (11h) et à la MJC Le Vivarium (Villé), 28/01 (20h) > Elle(s) à voir au Brassin (Schiltigheim), 21/01