La nouvelle création de Sarah Baltzinger, Vénus anatomique, questionne les injonctions pesant sur les femmes et la confiscation des représentations.
Votre travail chorégraphique sur le corps mécanique et marionnettique continue à partir des premières “vénus anatomiques”, représentations en cire du XVIIIe siècle…
En poursuivant mes questionnements intimes sur le féminin et ses représentations, ayant mené à une certaine confiscation du corps des femmes et à un sentiment de dépossession, j’ai découvert l’existence de ces représentations anatomiques, créées à La Specola à Florence, aux positions lascives et sexualisées.
Vos danseuses ont des morceaux de corps et de chair en silicone, symboles d’une érotisation, même à l’endroit de l’étude scientifique…
Je m’attelle très concrètement à ce processus de confiscation. Tout l’enjeu est pour moi d’ouvrir vénus, de manière métaphorique. La plasticienne Manuela Benaim, qui travaille sur des sculptures de corps, a réalisé cinq plastrons dont se parent les danseuses dans notre “fabrique à femme”, questionnant ce qu’il faut pour en devenir une. Les injonctions à la féminité sont monstrueuses puisque même dans la mort il nous faut être désirables. Notre choc vis-à-vis de ces représentations vient de l’écart entre notre époque de révolution féministe et la société d’il y a 250 ans, même s’il ne faut pas oublier que les vénus étaient le fruit d’une avant-garde car elles ouvraient littéralement ce qui était alors une œuvre de Dieu. Différentes matières viennent impacter la gestuelle qui se métamorphose dans la pièce, à l’instar de ces plastrons lourds, corsetés dans le dos, qui contraignent la manière de se mouvoir.
La pièce débute avec le public déambulant dans un espace muséal au milieu des vénus vivantes…
J’invite le spectateur à traverser l’espace au milieu des vénus en train d’être préparées, jouant de l’écart entre figure macabre et pulsion de vie. Il est bien question pour moi de trouver ce qui nous éveille et nous éteint. Les vénus anatomiques n’existent que dans le regard du regardeur. Dès lors, comment se détacher du but de leur fabrication ? Qu’est-ce qui permet de se libérer ?
Vous promettez une fin incisive et brutale. Pour ne pas fermer le sens ?
C’est le plus important. Il nous reste une semaine de plateau pour peaufiner l’absurdité qui laisse les choses ouvertes. Nous avons suffisamment été nourris aux happy-ends alors que je trouve la complexité de la vie plus forte que cela.
Au Grand Théâtre de Luxembourg mardi 5 et mercredi 6 décembre puis, en 2024, à L’Arsenal (Metz) jeudi 18 janvier et au Centre culturel Opderschmelz (Dudelange) lundi 25 mars dans le cadre du festival We Love Girls