Samouraïs, guerriers et esthètes à la BNU

HISHIKAWA Moronobu (1618-1694)
Scène d'intérieur, tiré des Scènes de Yoshiwara (vers 1680).
Coll. CEEJA


Avec pour épine dorsale la collection réunie par Patrick Liebermann, Samouraïs, guerriers et esthètes permet un saisissant regard sur le Japon grâce à un objet emblématique de cette caste : le tsuba.

Que sait-on vraiment des samouraïs ? En Occident, nous en avons des représentations monolithiques et simplifiées. Cette exposition permet d’appréhender la diversité et l’évolution d’une caste dominante au Japon du XIIe siècle à 1876. À cette date, au début de l’Ère Meiji, un décret impérial leur interdit de porter un sabre… Des centaines de milliers de samouraïs – 7% de la population ! – se reconvertissent, vendant leurs tsubas devenus inutiles, bien souvent à des Occidentaux férus de japonisme, qui les découvrent en même temps que les estampes. Mais le mouvement avait commencé plus tôt : guerriers au départ, ils se métamorphosèrent au fil du temps en fonctionnaires, gardant leur sabre devenu simple objet d’apparat. Deux splendides armures – l’une du XVIIIe siècle est 100% d’origine – ouvrent un parcours dont le fil directeur est le tsuba : accessoire dont la décoration se fait sans cesse plus délicate à partir de la fin du XVe siècle, cette plaque le plus souvent circulaire (mais aussi carrée, hexagonale…) est la garde du katana. Composé dune grande variété d’alliages – comme le shakudō mêlant cuivre et or, d’une merveilleuse teinte couleur bleu nuit –, il sert à protéger la main, l’empêchant de glisser sur le tranchant de la lame.

 

Il faut prendre le temps d’arpenter cette passionnante exposition où quelque 70 pièces – estampes, brûle-parfums masques de théâtre, armes (dont un remarquable tantō, poignard de l’époque Edo) – entrent en résonance avec la finesse de 125 tsubas, souvent de véritables oeuvres d’art autant que des prouesses de la métallurgie nippone, classés thématiquement (Dieux et légendes, Animaux fantastiques, etc.). Se déploient de fascinantes pièces d’orfèvrerie : véritables mondes en miniature chargés de sens et d’une extrême finesse, où les vides jouent avec les pleins, elles nous en disent beaucoup sur l’histoire du Japon. L’une présente une hallucinante carte de l’archipel détaillant les provinces existantes autour de 1600, leurs noms étant explicités en placage d’or. Elle est placée en regard d’estampes magnifiant les paysages du pays, comme la composition iconique d’Hokusai intitulée Sous la grande vague au large de Kanagawa. Une autre est à l’image de Jurōjin, une des sept Divinités du Bonheur incarnant la longévité, au milieu des nuages et des vagues. Une troisième montre un petit singe recroquevillé sur une branche au-dessus d’un lac dans lequel se reflète la lune… que le macaque tente désespérément de saisir. Évocation de l’hiver, il s’agit aussi d’une allusion à une fable dénonçant la vanité humaine dont un des avatars occidentaux serait La Grenouille qui se veut faire aussi grosse que le boeuf.


À la Bibliothèque nationale et universitaire (Strasbourg) jusqu’au 13 juillet
bnu.fr

Visites commentées les mercredis à 17h et les samedis à 11h (inscription préalable sur le site)

 

 

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