Porté par la musique de Grieg, Solveig (L’Attente) est un monologue bouleversant imaginé par Calixto Bieito. L’épopée de Peer Gynt y est vue par les yeux de son principal personnage féminin.
Lorsqu’Ibsen écrit Peer Gynt, il imagine un personnage velléitaire en diable, rêveur fou, sorte d’Oblomov dévoré par une ambition démesurée ou encore fanfaron cédant à toutes ses impulsions. Héros à facettes multiples, il se lance dans une quête improbable, laissant derrière lui la vertueuse Solveig qu’il finira par retrouver. C’est à elle que s’est intéressé Calixto Bieito qui résume : « Quand j’ai mis en scène Peer Gynt, et quelques années plus tard l’opéra Hanjo de Toshio Hosokawa, j’étais totalement fasciné par les deux personnages féminins Solveig et Hanako, toutes deux abandonnées par un homme et attendant éternellement. J’ai été intrigué par leur déception, leur désespoir, mais aussi par l’amour profond, la ténacité et la persévérance des deux femmes. » Commandé à l’écrivain norvégien Karl Ove Knausgård, auteur d’une épopée autobiogra- phique à succès en six volumes intitulée Min Kamp (Mon Combat), le livret prend la forme d’une nouvelle où se croisent trois femmes contemporaines, Solveig – seule présente à la scène – dont le mari est absent, tandis que sa mère attend la mort et que sa fille attend un enfant. Il s’est inspiré d’un ouvrage de Søren Kierkegaard Les Lis des champs et les oiseaux du ciel : « J’ai trouvé ce texte fantastique, puis je me suis dit qu’il s’agissait d’être exactement là où l’on se trouvait, que la vie pouvait être incroyablement riche, intense et pleine de sens ici et maintenant », explique le romancier pour définir son œuvre où Solveig apparaît comme une figure directement opposée à celle de Peer.
Sur le plateau est installé un immense cube blanc, scène sur la scène, entouré des musiciens, sur lequel sont projetés les vidéos de Sarah Derendinger : des phrases se déploient, le visage de Solveig (la soprano Mari Eriksmoen qui avait créé le rôle au Festival de Bergen, en 2019) est filmé en temps réel et apparaissent aussi des yeux démesurément agrandis ou quelques animaux dans la souveraine nature. Si familière, la musique romantique de Grieg (avec les suites composées pour Peer Gynt, mais aussi d’autres pages comme son Ave Maris stella) enveloppe le spectateur transporté dans une passion – aux deux sens que revêt le mot – symphonique. Plus qu’un opéra ou une pièce de théâtre musicale, nous sommes face à une installation poétique illustrant l’implacable solitude de la condition humaine, mais également son immarcescible grandeur. Solveig est celle qui reste, celle qui fait don d’elle-même – à sa fille, à sa mère, mais aussi à la figure de l’homme absent –, celle qui résiste à elle-même en se tournant vers l’autre.
À l’Opéra (Strasbourg), du 19 au 23 septembre
operanationaldurhin.eu
festivalmusica.fr
Rencontre avec l’équipe artistique à la Librairie Kléber (Strasbourg), 18/09 (18h)
librairie-kleber.com
Solveig (L’Attente) est intégré à un Focus Peer Gynt proposé par La Filature de Mulhouse où se déploient un concert de l’OSM (26 & 27/09), Fake fresque musicale composée in situ par Wilfried Wendling (19 & 20/09, Strasbourg, 26 & 27/09, Mulhouse) et une mise en scène de la pièce d’Ibsen signée David Bobée (15-17/10)
lafilature.org