Sa bouche ne connait pas de dimanche : provocation à Besançon

Photo © Christophe Raynaud de Lage

La rencontre de Rébecca Chaillon et Pierre Guillois dans le Jardin de la Vierge du lycée Saint-Joseph d’Avignon en 2019, donna lieu à une performance en forme de fable provocatrice : Sa bouche ne connait pas de dimanche.

Quiconque a déjà croisé l’une ou l’autre artiste de ce duo aux antipodes, ne peut retenir un sourire malicieux, naissant à la commissure des lèvres à l’idée de la collision de leurs univers. Orchestrée par le Festival d’Avignon et la SACD* dans le cadre de “Vive le sujet !”, dans « un lieu chargé de culte » répondant au nom du Jardin de la Vierge, elle est gage de toutes les audaces. Imaginez un instant : d’un côté la performeuse, metteuse en scène et autrice Rébecca Chaillon, adepte de la mise en jeu de son corps noir aux formes généreuses dans sa nudité crue. Toute entière engagée dans la déconstruction des reliquats de la domination coloniale et de celle du patriarcat auquel elle mettait le feu cette saison dans Carte noire nommée désir. De l’autre, Pierre Guillois, ancien directeur du Théâtre du Peuple, dont l’humour et l’amour du cabaret servent consciemment à aborder les thématiques les plus vives, à l’instar de son travail avec Nouara Naghouche sur Sacrifices où la Colmarienne d’origine algérienne se livrait corps et âme. Vingt ans les séparent, lui est un blanc maigrichon, homosexuel et discret. Elle est volubile, Sa bouche ne connait pas de dimanche comme le dit le proverbe créole « Bouch li pa ni dimanch » de ses racines martiniquaises. Ensemble, ils signent une fable sanguine, pleine de rituels et de provocation.

Extrait de “Sa bouche ne connait pas de dimanche” de R. Chaillon et P. Guillois au festival d’Avignon.

Cette genèse intime affronte l’ambiguïté de leur rapport au sacré et à la pureté, à la religion et au charnel. Au commencement de leur liturgie – profane, bien évidemment – était le sang. Le cochon est sacré et Dieu une femme. Dans cette comédie grinçante, « la chair est venue souder ces questionnements, celle de l’animal, celle que l’on mange, la viande dont nous nous régalons. Le plaisir du goût du sang et la culpabilité qui accompagne la tuerie nourricière. Le besoin de se confesser », confient-ils. Pierre bannit la religion de sa vie, se peignant le corps de bleu et de rose bonbon virginal quand Rébecca rêve d’y devenir une bouchère sainte, barbotant dans une piscine gonflable avec un petit goret, lâchant des prêches du type : « Ça vous fout les boules de voir mon commerce fréquenté par des routardes révolutionnaires, des nullipares des avortées, des vieilles pas hétéro qui font du chèvre, des agricultrices veuves, des célibataires grosses mais pas fortes, des belles moches, des sorcières pas blanches, des adolescentes percées tatouées scarifiées, des dégenrées, des dérangées, des alcooliques fumeuses, des tireuses de tarots, des comédiennes putes, des femmes à queue, des Cassandre bipolaires, des gamines aux genoux bleutés. Tout ça dans ma boucherie, tous les jours que dieu elle a fait. » Le ton est donné.


À La Friche artistique de Besançon du 14 au 17 juin (dès 14 ans)
cdn-besancon.fr
> Rencontre avec l’équipe artistique à l’issue de la représentation du 16 juin

* La Société des auteurs et compositeurs dramatiques organise la gestion collective de leurs droits et la défense de leur liberté

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