Géométrie sensible avec Paul Pagk à la Fondation Fernet-Branca
Plongée dans les abstractions colorées de Paul Pagk, Rythmes & Structures met en lumière les lignes charnelles de l’artiste new-yorkais.
Rectangles, lignes droites, cubes et parallélépipèdes peuplent les abstraites toiles carrées très grand format de Paul Pagk, donnant parfois l’impression de se promener de l’une à l’autre, glissant de mur en mur dans les salles de béton brut de la Fondation Fernet-Branca pour jouer avec le visiteur hagard et déjouer son regard. Dès le premier abord, l’œuvre du peintre new-yorkais de cinquante-neuf ans frappe par sa complexe simplicité. À la fois artiste et artisan, il fabrique sa propre peinture à base d’huile et de pigments purs jusqu’à obtenir l’exacte et subtile nuance voulue. Dans ce poétique et philosophique jeu mathématique, les couleurs et les formes se répondent, les tracés et les vibrations chromatiques modulent l’espace de la toile, semblant parfois même se poursuivre hors du cadre (Once Above Once Below, Untitled Yellow Pink and White). Ici, le trop plein de la couleur se dresse face au vide pascalien des formes dépouillées dessinées à main levée (Anaphore, Red Desert). Les traits ne sont jamais aussi nets qu’ils apparaissent. Animés d’une infime sinuosité à peine perceptible au spectateur qui se tiendrait trop éloigné, ils font vaciller la rigueur première du tableau. S’avancer, reculer… Il faut trouver la bonne distance pour véritablement “voir” les œuvres de Paul Pagk entendre les pulsations colorées de leur musique, s’imprégner physiquement de leurs fragiles et éblouissants frémissements.
Réunissant quelque cinquante peintures et une centaine de dessins, Rythmes & Structures déploie les magnétiques constructions sensorielles d’un plasticien qui régénère le langage de l’abstraction en opposant la densité et l’épaisseur réelle des couleurs à la profondeur illusoire des figures géométriques et de leurs perspectives (Cuban Boxer). Au fil du parcours et des échos renvoyés d’une création à l’autre, se tisse comme un long poème visuel où la perception du regardeur se voit sans cesse remise en question. Dans Five 2 One, les battements puissants du jaune mettent le corps en tension. L’esprit est en alerte. Aussitôt rasséréné par le rouge puissant, abyssal et enveloppant à la fois de 3 Circles. Plus loin, Horus érige les fines réticulations de son œil au sein du bleu céleste de la mer mêlée au ciel, Two Between étale la nuit des océans entre deux disques polaires, tandis que Coney Island harnache nos sens déboussolés au siège vert tendre d’une roue de manège lancée dans le rosissement éclatant du soir.
À la Fondation Fernet-Branca (Saint-Louis), jusqu’au 13 février
fondationfernet-branca.org