rone, ville ouverte

Portrait d’Olivier Donnet

L’album Mirapolis ? De la “techno à lunettes” pour clubbers de bibliothèques ? De l’electro ambitieuse, avec une flopée d’invités ! Visite d’une métropole musicale architecturée par Rone.

Vous sentez-vous plus à l’aise dans une rave party ou à la Philharmonie de Paris ?

J’adore autant faire danser une foule dans un festival à quatre heures du mat’ que jouer à 20 heures devant un public assis ! J’ai beaucoup de chance de ne pas être enfermé dans une niche car rares sont les gens qui, comme mon ami violoncelliste Gaspar Claus, parviennent à s’ouvrir à d’autres champs que ceux où on veut les cantonner. Lui et moi sommes parvenus à multiplier les expériences tout en développant une identité propre. Ce qui peut sembler paradoxal…

Sur la scène de la Philharmonie, en janvier 2017, il était avec vous, tout comme Frànçois (and the Atlas Mountains) ou l’écrivain SF Alain Damasio. Pour ce dernier, l’explosion ne détruit rien, elle accouche de matière sonore. Vos créations peuvent-elles émaner du chaos ?

Ma musique surgit toujours du désordre. Mon studio est rempli de machines qui produisent des sons, parfois par accident, que je vais réorganiser par la suite. Je ne suis pas de ceux qui ont une petite mélodie en tête : je puise dans le bordel et me laisse surprendre par les sonorités électroniques. Pour la carte blanche offerte par la Philharmonie, j’ai davantage dû scénariser les choses, même si le concert fut comme un puzzle composé de différentes pièces. Les protagonistes ne se sont pas rencontrés avant le spectacle… qui a laissé libre cours à des instants improvisés.

Que partagez-vous avec Michel Gondry qui a créé la pochette de votre disque : la passion pour la science des rêves ?

Je suis fan de lui depuis ses premiers clips ! Je me sens très proche de Gondry dont je ressens l’influence de manière considérablement plus forte que celle de n’importe quel musicien. Il fait des choses poétiques à partir d’idées très simples en apparence. Son univers bricolé, plein de fantaisie, me parle beaucoup. Il y a des similitudes entre nos façons de travailler. J’avais l’impression de le connaître avant de le rencontrer et je n’ai pas été déçu ! Quant aux rêves, ils me nourrissent énormément. Je fais beaucoup de siestes en musique en journée car je ne dors pas beaucoup la nuit : ces moments de semi-sommeil sont essentiels. Si je croise mon petit garçon lorsque je m’apprête à me reposer, je lui dis que je vais travailler [rires] ! Il m’arrive fréquemment de me réveiller en sursaut avec plein d’idées en tête, parfois abstraites, et de me jeter sur mon synthé pour les concrétiser !

Vous arrive-t-il de rêver de moutons électriques, comme dans Blade Runner de Philip K. Dick auquel vous rendez hommage sur I, Philip ?

Pas encore… mais j’aime beaucoup K. Dick et le morceau en question a été composé pour la BO d’un film en réalité virtuelle sur lui. Cette musique, retravaillée pour le disque, est une belle introduction à l’album.

Vous entretenez un rapport d’amour / haine avec la cité : après avoir voulu Quitter la ville, vous imaginez la mégapole Mirapolis

J’aimerais m’en extraire pour aller vivre au bord de la mer, dans un coin sauvage, mais la ville me rappelle toujours à elle. Elle me fascine : j’ai besoin de sa stimulation et son énergie, alors je conserve le projet de m’installer sur une plage abandonnée pour mes vieux jours…

 Comment voyez-vous Mirapolis ? Proche de Metropolis de Fritz Lang ?

La Zone du Dehors, roman de Damasio, décrit une ville “impeccable”, sous cloche, où règnent le confort et la démocratie. Chaque soir, les habitants peuvent voter pour choisir la météo du lendemain. Ce contrôle à outrance, cette absence de chaos mène à l’enfer. Certains se révoltent et cherchent à sortir de cette bulle pour créer de nouvelles cités, plus vivables, moins maîtrisées… mais toutes ces utopies sont vouées à l’échec. Mirapolis ressemble à ça : à une “tentative de ville”, ni idyllique, ni infernale.

 

 

À La BAM (Metz), jeudi 16 novembre, dans le cadre du festival Musiques Volantes (10-23 novembre)

musiques-volantes.org

À La Rodia (Besançon), vendredi 24 novembre

À La Laiterie (Strasbourg), samedi 25 novembre

Au Trianon (Paris), mercredi 13 décembre

À L’Autre Canal (Nancy), jeudi 8 février 2018

À La Vapeur (Dijon), samedi 3 mars 2018

rone-music.com 

Portrait inédit par Michel Gondry

si t’es radieuse

La ville rêvée de Rone, aux bâtisses gondriesques, bricolées façon DIY, accueille dans un décor en carton-pâte une population hétéroclite : le slameur Saul Williams, le crooner Baxter Dury ou le batteur John Stanier (Battles) : la liste des featurings a des allures de discothèque idéale. Elle se veut reflet des goûts de son architecte et résulte de ses rencontres, avec les artistes cités ci-dessus, mais aussi la fragile chanteuse Kazu Makino ou le guitariste Bryce Dessner, des musiciens qui semblent éloignés de son univers, a priori plus proche des synthés de Jean-Michel Jarre que de la pop soyeuse de Blond Redhead ou The National ! Les rues de Mirapolis grouillent de gens, d’idées, d’accidents et d’heureux hasards. Les voitures passent au rouge, les portes restent constamment ouvertes et le couvre-feu joyeusement ignoré.

Mirapolis, édité par InFiné (sortie en 3 novembre)

infine-music.com

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