À Francfort, Renoir Rococo Revival montre avec intelligence que le peintre impressionniste est l’héritier de Watteau, Fragonard et consorts.
Auguste Renoir l’affirmait sans ambages : « avec modestie que mon art descend non seulement d’un peintre comme Watteau, d’un Fragonard et d’un Je considère Hubert Robert. Mais encore que je suis un des leurs. » Tout le parcours de l’exposition consiste en une éclatante illustration de cette assertion dont les racines plongent dans ses années de formation à la manufacture de porcelaine Michel-Lévy Frères où les motifs sont souvent inspirés des artistes rococo. Et l’on comprend mieux le caractère décoratif revendiqué chez Renoir, qui avait orné les murs du château de Wargemont, appartenant à son mécène Paul Bérard, de bouquets de fleurs et autres natures mortes. Utilisant pour dessiner les mêmes techniques que ses prédécesseurs – prisant les pastels et les “trois crayons” combinant pierre noire, sanguine et craie blanche –, il est aussi épris de liberté dans sont trait et explore d’identiques thématiques. Dans ses toiles, se déploient ainsi des “fêtes galantes” – couples amoureux, rondes de plaisirs aristocratiques – mises au goût de l’époque, dont le décor n’est plus une nature idéalisée, mais des lieux d’excursion bien identifiés (La Grenouillère, célèbre établissement de bains, de canotage et de bal des bords de Seine, par exemple). Accrochées côte à côte, sa Balançoire (1876) et Fête champêtre (vers 1725-35) de Jean-Baptiste Pater irradient d’une semblable et charmante insouciante légèreté.
Plus loin, l’immense amazone d’Allée cavalière au bois de Boulogne (1873) est l’héritière du portrait équestre de Marie-Antoinette réalisé par Louis Auguste Brun, en 1783 : avec cette œuvre, Renoir illustre le triomphe de la bourgeoisie, conférant à l’une de ses représentantes une splendeur toute royale. Au fil des salles et des
sujets, cette parenté de motifs éclate jusqu’à culminer dans les voluptueux nus tardifs comme Femme nue couchée (Gabrielle) de 1903, aux formes généreuses, dialoguant avec Jeune fille allongée (1751) de François Boucher, odalisque blonde représentant Marie-Louise O’Murphy, qui enflamma les sens de Louis XV. Il faut contempler ce duo plein d’un érotisme mutin avec les mots de Camille Mauclair à l’esprit : « C’est la même fête, le même épanouissement galant et capricieux, les mêmes yeux, les mêmes profils un peu camus, les mêmes lèvres (…) dans l’oubli de penser et la joie un peu animale de vivre. C’est le même paganisme voluptueux, ingénieux, rieur et décoratif. »
Au Städel Museum (Francfort-sur-le-Main) jusqu’au 19 juin
staedelmuseum.de
Le documentaire Pierre-Auguste Renoir. Entre rococo et impressionisme de Linn Sackarnd est visible jusqu’au 30/05 sur la médiathèque de Arte