À cheval sur Montbéliard et Belfort, le festival Femmes de feu convie la crème de la crème du spectacle vivant. Âmes sensibles, passez votre chemin.
Le rapprochement amorcé entre MA scène nationale et Le Granit a fait long feu, les élus des deux villes et de l’aire urbaine n’arrivant pas à s’accorder sur une gouvernance et un financement commun pour donner corps à l’une des scènes nationales phares du territoire. Le temps fort imaginé par Yannick Marzin rayonnera tout de même de sa fougue dans les deux équipements. Programme alléchant s’il en est, Femmes de feu débute avec le show des Dakh Daughters, sorte de Pussy Riot ukrainiennes à qui l’ont doit notamment l’hymne de la révolution Euromaïdan de 2013, le bien nommé Donbass. Les sept furies à l’esprit punk reprennent aussi bien des sonnets shakespeariens que les vers de Mykhal Semenko (fondateur du futurisme ukrainien), Heiner Müller ou Charles Bukowski (Freedom). Leur cabaret performatif, expérimental et ultra revendicatif touche l’âme et broie les dogmes comme les esprits étriqués. Il reflète le désir de liberté d’une jeunesse éreintée sous l’influence russe et sa domination militaire.
Quelque chose de Pina
Danseuse mythique de Pina Bausch, Cristiana Morganti signe sa troisième pièce. A Fury Tale n’a rien d’un conte de fées : Anna et Breanna, deux danseuses incroyablement douées se toisent et se défient dans un grand huit émotionnel sans répit. De Bach aux frappadingues sud-africains de Die Antwoord, elles se jouent des rythmes et des changements de lumière, du mobilier comme de la fumée envahissant le plateau. Avec une liberté rare, le duo, déconcertant de facilité, enchaîne sautillements sur une sonate, mouvements décalés et désaxés nous entraînant loin de toute raideur et tenue classique pour ler vers une traversée hantée de chants mystiques devant des branchages nocturnes. Les monstres naissant sous leurs traits disparaissent dans l’incarnation débridée d’interprètes qui jouent de leur corps comme d’une patte à modeler infinie. De la douceur à l’hystérie pure, leurs accès de rage se font aussi vifs que fugaces, exploration sans limite d’une théâtralité se moquant de leurs propres rêves de carrière et de vie bien rangée (avec chiens et enfants, maison de vacance en Hollande et feu de cheminée…). Tout est prétexte aux sentiments s’échappant tel un parfum de tous leurs pores jusque dans une incroyable marche à 90 degrés, pieds contre pieds. Autre casseur de dogmes et réinventeur de traditions, Israel Galván plonge dans les superstitions my(s)thiques du flamenco avec Isabel Bayón. Dans la première française de Dju-Dju, il convoque les forces occultes des esprits, restes d’envoutements et de pratiques gitanes contenus dans les rituels de cette danse… magique.
Freak Cabaret, Dakh Daughters, au Théâtre le Granit (Belfort), mardi 2 avril
A Fury Tale, Cristiana Morganti, au Théâtre de Montbéliard, jeudi 4 avril
Dju-Dju, Israel Galván, au Théâtre le Granit (Belfort), vendredi 5 avril
Les Secrets d’un gainage efficace des Filles de Simone, au Théâtre de Montbéliard, samedi 6 avril
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