Pour le Mois Européen de la Photo, le MNHA de Luxembourg entend Repenser l’identité. Je est un autre à travers huit artistes.
De la citation d’une lettre de Rimbaud à une grande exposition photographique sur le thème Rethinking identity, il n’y a qu’un pas que franchit pour notre plus grand plaisir le Musée national d’Histoire et d’Art. En prise directe avec le développement des études post-féministes et post-coloniales, le commissaire d’exposition Paul Di Felice convie notamment l’une des grandes figures actuelles de l’art africain, Zanele Muholi. Célébré par une rétrospective d’ampleur à la Maison européenne de la Photographie au printemps, l’artiste non-binaire utilise l’autoportrait, un genre en soi, comme outil politique de représentation de la communauté LGBTQIA+, mais aussi du contexte sud-africain vécu par iel, grandissant dans un township de Durban. À l’instar du Sénégalais Omar Victor Diop se photographiant en costumes d’époque pour témoigner de moments fort de l’histoire du continent (diaspora, colonisation, etc.), Zanele se met en scène pour dénoncer la xénophobie et questionner les identités, jouant d’un noir et blanc à la profondeur aussi tenace que les sujets qui l’habitent. Coiffes réinventées avec divers objets (tuyaux, pinces à linge, rouleaux de PQ, gants noirs gonflés ou encore armatures d’abat-jour), semi nudité et regard toujours transperçant sont parmi les éléments caractéristiques d’une œuvre s’emparant de la complexité des rapports de domination et d’objectivation du sujet.
Les photomontages et collages de sa consoeur Lunga Ntila, tragiquement disparue dans un accident l’an passé, à tout juste 27 ans, répondent à leur manière, brute et fascinante, cubiste et provocante, aux stéréotypes et normes physiques dominantes. La démultiplication des yeux et des lèvres de ses autoportraits ont la puissance d’un geste sûr qui tord le cou aux canons de beauté et aux clichés sur la femme noire. Ses représentations évoquent aussi la fragmentation du Moi et de la mémoire avec une simplicité confondante. Du collage il est encore question avec Frida Orupabo, sociologue et artiste norvégienne d’origine nigériane, qui assemble des corps féminins noirs à l’aide de découpages, d’attaches parisiennes et d’impressions d’images (populaires, scientifiques, ethnographiques) glanées sur Internet. Elle les ajoute ensuite, par morceaux choisis, sur des archives familiales. La violence coloniale érupte, fait dérailler le regard dominant pour questionner, en creux, la position et la responsabilité du contemplateur.
Au Musée national d’Histoire et d’Art (Luxembourg) jusqu’au 22 octobre
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