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Au cours de la première semaine d’avril se tiennent traditionnellement les dégustations des Primeurs des grands crus classés de Bordeaux où se rendent tous les acheteurs de la planète. Compte-rendu.

Négociant depuis bientôt trente ans sur la place de Bordeaux, j’achète quelques grands crus classés directement dans les châteaux, en primeur, c’est-à-dire bien avant que les vins soient réellement disponibles, ces derniers étant en élevage pendant encore 18 mois, avant d’être livrables. Tous les ans à la même époque est ainsi organisée une dégustation du nouveau millésime (2018, cette année). Groupés par appellations, les différents châteaux proposent à tour de rôle d’accueillir la clientèle internationale. Cette année, par exemple, c’est Branaire-Ducru qui convie ses voisins de l’appellation Saint-Julien : accueil filtré, chai en majesté, ambiance concentrée et studieuse. En un va- et-vient incessant, une centaine d’acheteurs dégustent et recrachent les échantillons présentés par les vignerons derrière leur table. Il est certain que l’échantillon prélevé sur barrique, sensé être fidèle à l’assemblage final qui sera mis en bouteille dans quelques mois, est travaillé pour être le plus démonstratif possible et pour impressionner l’acheteur. Toutes les techniques de gommage des tanins, de choix judicieux de barrique, d’assemblage mûrement choisi sont évidemment pratiquées pour présenter la mariée sous ses plus beaux atours. Un peu de maquillage ne fait pas de mal d’autant que tous les œnologues sont à la même enseigne. Pour peu que le vin ne plaise pas, il est certain que l’échantillon montré est le meilleur du chai.

C’est l’occasion, au-delà des disparités d’un château à l’autre, de faire un point assez précis du style général du millésime et de la qualité globale des vins : 2018 est un millésime qui va plaire. Les tanins sont mûrs, le fruit assez frais malgré la présence parfois un peu trop marquée d’un alcool rarement en-dessous de 14°, réchauffement climatique oblige… Un millésime assez solaire donc, mûr et puissant, dont le style s’est globalement éloigné avec un bonheur certain des diktats un peu trop formateurs d’un Parker, journaliste américain qui privilégiait par une notation généreuse les vins les plus concentrés et souvent trop boisés. Un retour à une forme de classicisme Bordelais où le style retrouve une fraicheur et une grâce bienvenue. Reste le prix, toujours élevé de tous ces grands Bordeaux, qui refroidissent avec raison les élans de nombreux amateurs… Intéressez-vous donc aux appellations plus modestes qui n’ont jamais été aussi bien servie par des vignerons indépendants et talentueux !

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