Pourquoi les chorégraphies d’Aurélie Gandit rendent-elles hommage à la peinture ? Parce que Sa place est dans un musée ! Entretien.
La dixième création de votre compagnie Callicarpa s’ouvre sur la bande-son d’Indiana Jones. Quel est le rapport avec votre projet ?
Quand j’étais historienne de l’art, j’en étais fan. « Sa place est dans un musée » est aussi une réplique culte de films de la saga, notamment lorsqu’il parle de la Croix de Coronado, au début de La dernière Croisade, et d’un autre objet, à la fin du Royaume du Crâne de cristal. C’est une manière de leur rendre hommage, de s’interroger sur la place des œuvres, aujourd’hui, et la façon dont elles continuent de nous parler. Avec Antoine Cardin, le second interprète au plateau, nous leur donnons vie en dansant. C’est une pratique que j’exerce depuis 15 ans, à travers des visites dansées d’expositions. En imaginant une chorégraphie contemporaine pour raconter un tableau, je rends aussi hommage au travail de mémoire de l’historien Aby Warburg, qui créait une histoire à partir d’images de différentes civilisations et temporalités.
Quelles œuvres interprétez-vous ?
Parmi la quinzaine que nous avons sélectionnées, deux me bouleversent particulièrement. Il s’agit d’une composition de six tapisseries du XVe siècle, La Dame à la Licorne, et du Retable d’Issenheim. La première est un ensemble figurant les cinq sens, ainsi qu’un sixième, qui s’apparente à la recherche spirituelle. La deuxième revêt une certaine forme de foi, de confiance en la vie exprimée par Matthias Grünewald. La mise en danse est très intuitive. Nous travaillons en écriture spontanée, en nous laissant une grande liberté. Nous partons d’un cadre, nous savons ce que nous devons faire, mais certains mouvements peuvent évoluer en temps réel. C’est un processus instinctif.
Comment abordez-vous chacune des images ?
Grâce au travail de Lucie Cardinal, scénographe, régisseuse et créatrice lumière, nous nous inspirons des couleurs et des ambiances, afin de créer un environnement qui leur est propre. Par exemple, Le Retable d’Issenheim est assez psychédélique. Ses scènes de mouvements et clairs-obscurs sont traduites par des ambiances lumineuses marquées et contrastées. Des morceaux de musique expérimentale et pop des années 1960 s’accordent aux compositions.
La question des costumes et des décors est également au cœur de la mise en scène…
Nous jouons sur un tapis blanc et sur fond blanc. C’est minimaliste, mais certaines œuvres, comme La Dame à la licorne, sont très colorées. Nous préférons donc des vêtements neutres, en noir, blanc ou couleur chair. Les accessoires choisis correspondent aux atmosphères des tableaux. Nous nous amuserons peut-être avec l’enfilement de vestes et l’empilage de plusieurs couches successives. Les œuvres ne se trouvant pas physiquement sur scène, elles seront suggérées grâce à ce type d’éléments scéniques.
À La Filature (Mulhouse) mardi 5 et mercredi 6 novembre dans le cadre de Scènes d’automne en Alsace (04-13/11) et à la Salle Europe (Colmar) jeudi 14 novembre