Metteur en scène, dramaturge, comédien, ex-directeur du Théâtre de l’Odéon, bientôt à la tête du Festival d’Avignon… Qui est vraiment Olivier Py ? Tentative de décryptage du “code artistique” d’un être protéiforme venu présenter sa mise en scène des Huguenots de Meyerbeer, à l’Opéra national du Rhin.
Dans le hall du Théâtre national de Strasbourg, à quelques heures de la dernière de Roméo et Juliette (du 22 novembre au 10 décembre 2011), on attendait un Olivier Py vibrionnant et insaisissable, à la semblance de l’image d’Épinal… pour se retrouver face à un quadra apaisé, aimant se définir comme « un poète lyrique », un qualificatif irriguant les multiples branches de son activité artistique. Kézako ? « C’est ne pas être tout à fait désespéré et accepter de se laisser porter par la joie. Il importe de se maintenir loin du cynisme désabusé afin d’accéder à la possibilité de formuler quelque chose pour atteindre aux vérités ultimes. » Son art se situe ainsi « à l’opposé de celui de Jean-Luc Lagarce, un vrai fils de Beckett » et le tenant « d’une écriture de l’impossibilité de dire », qu’Olivier Py avait rencontré à 21 ans et dont il était devenu très proche. « Nous pensions que le renouveau du théâtre viendrait des auteurs, une idée partagée avec Novarina, Pommerat ou Gabily. On ne pouvait se contenter de l’exégèse du grand répertoire de la génération précédente. Pour le reste, nous étions un “groupe” très incohérent aux esthétiques plurielles » explique le metteur en scène avant de conclure d’une pirouette : « Aujourd’hui, c’est l’inverse. Le grand répertoire a presque disparu des plateaux. »
Hors du temps « Un jour, un universitaire japonais, dans un colloque, s’est exclamé : « On dit qu’Olivier Py est réactionnaire, il est tout simplement anachronique ». Cela m’a fait énormément de bien. Si seulement on pouvait ne pas penser ça qu’à Tokyo ! » lâche-t-il avant d’enfoncer le clou : « Le poète lyrique n’est jamais vraiment dans le temps présent, il a toujours un pied en-dehors, la tête dans les étoiles. » Pas très loin de Dieu en somme, pour ce catholique revendiqué, dont la « foi vient de l’esprit », très éloigné cependant de mouvements comme l’Institut Civitas qui voulait, il y a quelques mois, faire interdire des pièces de Rodrigo García et Romeo Castellucci, jugées blasphématoires. « Ces gens sont ultra-minoritaires. C’est sexy pour les journalistes, mais ils sont insignifiants », balaie-t-il d’un revers de la main avant de dissiper un autre malentendu : « Si je me sens proche de Paul Claudel, ce n’est pas en raison de sa rencontre avec Jésus – de l’ordre de l’intime – mais pour celle qu’il fit avec Rimbaud. On a le droit d’être amoureux fou du Claudel des années 1930 et de ne pas trop aimer le vieux monsieur passéiste qu’il était devenu vingt ans plus tard. » Revendiquant une dimension religieuse dans son travail, Olivier Py précise : « En tant que poète, il faut se poser la question de Dieu, de la mort, du sexe et de l’art, sinon on ne sait pas bien de quoi on parle. Être lié au temps, c’est le métier du journaliste. » Et pan, dans ma face… « J’aurais bien aimé être désespéré, circonspect, très sceptique, stoïque, élégant, protestant… Mais je ne le suis pas. Il faut faire avec ce qu’on est. » Soudain, on se sent mieux.
Dans la musique Depuis tout petit, le poète est fasciné par l’art lyrique, grâce à une grand-mère italienne, « une vrai puccinienne. Avec elle, je chantais E Lucevan le stelle (un air de Tosca, NDLR) à onze ans. » À son arrivée à Paris, à 18 ans, il prend des cours, rêvant d’être chanteur d’opéra « un, parmi un peu trop de destins possibles. Mais j’ai compris qu’il fallait beaucoup travailler… alors je suis devenu metteur en scène » raconte-il, un sourire au lèvres. Depuis sa première production, Der Freischütz de Weber à Nancy en 1999, les projets se sont enchaînés, sans encore passer par les cases Verdi, Puccini ou Donizetti, qu’il adore, mais « les choses vont changer et je vais bientôt retrouver les origines italiennes ». À rebrousse-poil des idées reçues, pour Olivier Py, « le travail au théâtre, très tôt, consistait à faire ressembler les comédiens à des chanteurs, de trouver le jeu lyrique parlé, proclamé pas déclamé. Tout partait du jeu opératique, plus fou, plus large, plus extrême, plus engagé que tout ce qu’on voyait à la télé et au cinéma. Du coup, lorsque je suis arrivé à l’opéra je travaillais avec des chanteurs souhaitant se débarrasser de cette esthétique que j’adore, celle de Shirley Verrett ou Gwyneth Jones, des cantatrices et des actrices de génie. Aujourd’hui, je tente de “relyriciser” les chanteurs d’opéra, à l’inverse de ce que font d’autres qui veulent les faire ressembler à des acteurs de cinéma. Je souhaite trouver une représentation de l’humain différente de celle du psychoréalisme cinématographique. »