Bells and Spells est un périple signé Victoria Thierrée Chaplin, dans lequel le spectateur ferait mieux de rester à l’affût du moindre geste.
Victoria Thierrée Chaplin, fille de Charlie, embarque sa propre fille dans une performance passionnante, à l’image de l’onirique Raoul de James Thierrée. Entre music-hall, danse, théâtre d’objet, tours de magie et cleptomanie, le spectacle se révèle aussi réjouissant qu’entraînant. Inspiré par les numéros du pickpocket circassien Borra, qui, dans les années 1950, se plaisait à dérober les montres et cravates de son public sans qu’il s’en aperçoive, Bells and Spells captive dès le début : après une valse enjouée entre Aurélia Thierrée et son partenaire, sur fond de piano et accordéon, des éléments de décor sont peu à peu mis en place. Dans un coin, une porte en bois et la peinture d’une marquise, inspirée des portraits de la noblesse de Velázquez, jouxtent un grand fauteuil rouge capitonné, simulant un intérieur d’appartement. À peine s’y installe-t-elle, qu’elle semble disparaître à l’intérieur. « Les trucages sont assez simples », renseigne Aurélia. « C’est un pari que nous avons fait, afin que le public accepte d’y croire un tout petit peu. Quelques tableaux plus tard, nous faisons référence à ce passage en représentant notre propre marquise, sur les Concertos pour clavecin de Bach. »
L’humour est aussi au cœur de cette épopée. Alors qu’une armoire à linge trône sur le plateau, un nouveau personnage fait son apparition. Déposant un mannequin inanimé à proximité, il époussète la robe qu’il porte. L’artiste ensorceleuse arrive à cet instant, subjuguée par sa beauté. Elle profite alors du bref passage d’un portant à vêtements pour changer de tenue avec le pantin. S’ensuit une prise de bec silencieuse entre les deux interprètes, à la fin de laquelle l’héroïne aux mains baladeuses enfile son manteau, pour aussitôt se retrouver… dans son ancienne tunique. « C’est assez drôle, car il ne se passe pas un soir sans qu’il y ait des complications », souligne Aurélia Thierrée. « Les objets ne sont pas si prévisibles que cela. Parfois, ils résistent ou se cassent, et le challenge est d’incorporer ces écarts à la représentation pour faire croire que tout va bien. Quand arrive le moment où tout fonctionne correctement, on se dit qu’il est temps de passer au spectacle suivant. » Pour sûr, la pièce intrigue par ses trompe-l’œil abracadabrants, parenthèse poétique où l’imaginaire est complètement libéré. On retient notamment le moment où une quinzaine de porte-manteaux sont assemblés à la façon de la créature de Frankenstein, créant une bête articulée au sommet de laquelle se perche Aurélia. Le plus étonnant est encore quand elle se met à avancer, sous une nuée d’éclairs artificiels.
Au Maillon (Strasbourg) en partenariat avec le TJP du 17 au 19 octobre et au Théâtre de Montbéliard jeudi 20 février 2025. Dès 10 ans