Picasso, le barcelonais
Le Museu Picasso de Barcelona est l’invité d’honneur de la foire européenne d’Art contemporain ST-ART. Rencontre avec son directeur depuis 2016, Emmanuel Guigon qui fut auparavant à la tête du MAMCS et des Musées de Besançon.
Quel est le substrat des collections du Museu Picasso de Barcelona ?
C’est un monde en soi, illustrant l’intense relation liant Picasso à la Catalogne et à Barcelone. Elle dure de “l’époque académique” à la Période bleue. Pour ces années de jeunesse fondatrices, nous possédons les plus riches collections de la planète avec des chefs-d’œuvre comme Science et Charité que nous prêtons en ce moment au Musée Picasso de Paris pour une exposition1. Une cinquantaine de nos pièces se trouvent aussi à Orsay pour Picasso. Bleu et rose2.
Comment est né ce musée, installé dans cinq palais gothiques ?
Il a été voulu par Picasso. Et c’est le seul dans ce cas… Pour lui, en pleine période franquiste, il s’agissait d’un acte politique. Il était considéré – et pas uniquement sur le plan esthétique – comme subversif par Franco. Ouvert en 1963, ses collections proviennent en grande partie d’une donation faite par son secrétaire particulier et ami, Jaime Sabartés et de dons de l’artiste lui-même.
Y trouve-t-on des chefs-d’œuvre postérieurs à la Période bleue ?
Nous conservons un ensemble unique au monde composé des 58 variations que Picasso réalise, en quelques mois de l’année 1965, à partir des Ménines de Vélasquez. On en découvrira une à ST-ART. Il a produit d’autres séries – se servant du Déjeuner sur l’herbe de Manet notamment – mais c’est la seule à ne pas être dispersée.
Comment concevez-vous votre rôle de directeur d’une institution d’importance internationale recevant plus d’un million de visiteurs par an ?
J’ai un devoir intellectuel et scientifique : celui de faire connaître l’ambiance artistique de la Barcelone de Picasso ; à la fracture du XIXe début XXe siècle, jusqu’à son dernier séjour important dans la ville, en 1917, avec les Ballets russes. J’ai envie, par exemple, de faire découvrir au plus large public des contemporains qui l’ont influencé : Carlos Casagemas, Julio González ou encore Isidro Nonell.
Quels sont les contours de votre projet artistique ?
Un musée est avant tout un patrimoine pour demain. Nous nous employons à étudier, publier, restaurer et enrichir. Nos actions doivent avoir du sens, notamment au niveau des publics. Il est essentiel de monter des expositions où se rencontrent exigence scientifique et attrait populaire. Dans cet esprit, je suis particulièrement heureux d’avoir pu mettre sur pieds l’exposition Picasso et la cuisine qui s’est achevée le 30 septembre.
Après la Fondation Maeght ou la Venet Foundation3, le musée est l’invité d’honneur de ST-ART : en quoi la présence de ce “Museu Picasso en miniature” dans une foire d’Art contemporain fait-elle partie de votre stratégie ?
Je sais qu’en France les rapports entre le public et le privé sont souvent complexes : en venant à ST-ART, je n’ai rien à vendre [rires], mais souhaite simplement montrer quelques éclats de notre collection et créer un appendice à Picasso et la cuisine pour toucher le public d’un événement festif, qui connaît une belle fréquentation. À côté des dessins linogravures et autres céramiques se trouvera aussi une présentation du musée.
st-art : go !
Pour sa 23e édition, ST-ART, placée sous la direction artistique de Patricia Houg, a mis les petits plats dans les grands, laissant notamment carte blanche au critique Henri-Francois Debailleux. On retrouvera aussi des galeries triées sur le volet par un comité scientifique (où siège notamment le directeur de la Fondation Fernet-Branca, Pierre-Jean Sugier) au nombre desquelles gurent les Montpelliérains d’AD avec des œuvres de Combas ou les Parisiens de RX qui montreront notamment des pièces de Georges Rousse.
Au Parc des Expositions (Strasbourg), du 16 au 18 novembre
st-art.com
1 Chefs-d’œuvre ! au Musée Picasso (Paris) jusqu’au 13 janvier 2019 museepicassoparis.fr
2 Au musée d’Orsay (Paris) jusqu’au 6 janvier 2019, puis à la Fondation Beyeler (Riehen / Bâle) du 3 février au 26 mai 2019 – musee-orsay.fr fondationbeyeler.ch
3 Voir Poly n°203 ou sur poly.fr